Il n’a pas le moindre neurone mais il est capable d’apprendre: un organisme vivant étonnant constitué d’une unique cellule a montré qu’il savait tirer des leçons de ses expériences pour se nourrir sans risque, révèle une étude.

« C’est la première fois que l’on prouve qu’un organisme unicellulaire est capable d’apprentissage », déclare à l’AFP Romain Boisseau, chercheur en biologie et co-auteur de cette étude publiée mercredi dans Proceedings of the Royal Society B.

« Cela prouve que l’apprentissage ne nécessite pas forcément de système nerveux (neurones, cerveau) », ajoute Audrey Dussutour, chercheuse CNRS (Centre national de la recherche scientifique) à l’Université Toulouse III Paul Sabatier (France).

Le héros de l’étude, Physarum polycephalum, ne paie pas de mine. Vivant dans les sous-bois des régions tempérées, il ressemble à un champignon jaune gluant. Mais ce n’en est pas un.

Lointain cousin des plantes, des champignons et des animaux, il est apparu sur Terre environ 500 millions d’années avant l’Homme.

Formé d’une seule cellule, il compte des milliers, voire des millions de noyaux et peut recouvrir des surfaces de plusieurs mètres carrés grâce à ses extensions (pseudopodes).

Il est capable de se déplacer à la vitesse de 5 centimètres par heure pour trouver de la nourriture.

Surnommé « le blob » par les chercheurs, en raison de son côté informe et en référence au film de science-fiction « The Blob » où une masse venue d’ailleurs dévorait les humains, le glouton Physarum polycephalum se nourrit de bactéries et champignons notamment.

Mais il est aussi fan d’avoine. Et c’est là que démarre l’expérience.

Pendant neuf jours, les scientifiques ont confronté différents groupes de Physarum à des substances amères mais inoffensives qu’ils devaient traverser afin d’atteindre une source de nourriture, les fameux flocons d’avoine.

– Les bactéries aussi? –

Un groupe a ainsi été confronté à un « pont » imprégné de quinine, un autre à un pont de caféine tandis qu’un groupe témoin devait passer sur un pont sans substance particulière.

Au tout début, les Physarum se sont montrés réticents à passer sur les ponts de quinine et de caféine. Méfiants, ils ont avancé une fine extension pour limiter le contact avec la substance perçue au départ comme nocive. Ils ont mis plusieurs heures à rejoindre leur nourriture.

Au fil des jours, les Physarum ont appris que ces substances étaient inoffensives à cette concentration et ils les ont traversées de plus en plus rapidement, se comportant au bout de six jours de la même façon que le groupe témoin.

Les scientifiques appellent ce phénomène « l’habituation ».

« Il s’agit d’un processus d’apprentissage simple qui consiste à s’habituer à un stimulus quand on le rencontre fréquemment », explique Audrey Dussutour.

Si on vous souffle dans l’oeil, vous allez fermer les yeux. Mais si on vous le fait plusieurs fois de suite, vous arrêterez de les fermer car vous aurez compris que c’est sans danger.

Toute « habituation » est suivie par un oubli si on retire le stimulus suffisamment longtemps.

Ainsi, au bout de deux jours sans contact avec la substance amère, les Physarum retrouvaient leur comportement initial de méfiance.

Par ailleurs, un Physarum habitué à la caféine se montrait réticent vis-à-vis de la quinine, et inversement. L’habituation est donc bien spécifique à un stimulus donné.

Cette forme d’apprentissage, qui existe chez tous les animaux, n’avait encore jamais été trouvée chez un organisme unicellulaire.

Cette découverte amène à s’interroger sur la capacité d’apprentissage d’autres organismes extrêmement simples. « Je pense que l’habituation existe chez les bactéries mais cela reste à démontrer de manière claire », indique Audrey Dussutour.

Ce n’est pas le premier exploit de Physarum polycephalum. Ces dernières années, il a montré qu’il savait trouver le meilleur chemin dans un labyrinthe ou optimiser sa nutrition.

 

 

AFP

Publisher: Lebanese Company for Information & Studies
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