Un salarié devenu un « zombie professionnel » après sa mise au placard a demandé lundi au conseil de prud’hommes de Paris de reconnaître une situation de harcèlement moral l’ayant conduit au « bore-out », un état dépressif lié à l’ennui au travail, jusqu’à son licenciement.
Entré en décembre 2006 chez Interparfums, une entreprise spécialisée dans la licence de parfums prestigieux, Frédéric Desnard, 44 ans, a été licencié fin septembre 2014. Il était en arrêt maladie depuis sept mois après un accident de la route dû à une crise d’épilepsie causée, selon son avocat, par « l’ennui au travail ».
Pourtant, à son arrivée dans cette société, comme responsable des services généraux, Frédéric Desnard a fait preuve d’un « dévouement total » au service de son employeur, explique Me Montasser Charni. Mais, à partir de 2009, il est devenu « le +boy+ » des dirigeants de l’entreprise.
Selon l’avocat, sa situation s’est encore dégradée après la perte en 2012 par Interparfums d’un contrat de licence qui a fait chuter le chiffre d’affaires et entraîné des départs dans la société. Sans tâche à exécuter, devenu un « zombie professionnel », il « passait son temps à aller faire des courses pour le président » de la société, affirme Me Charni.
Il décrit un salarié « détruit sur le plan moral et surtout physique », mais qui n’a pas osé se plaindre, dans un contexte de chômage de masse, puisqu’il avait un travail. Pour lui, il s’agit d’un cas de « bore-out », « lorsqu’on vous tue professionnellement par l’ennui ».
Pendant toutes ces années où il dit avoir souffert de harcèlement, Frédéric Desnard, qui touchait une rémunération annuelle de plus de 80.000 euros, n’a « jamais envoyé un mail » à la direction pour se plaindre de sa situation, ni alerté le comité d’hygiène et de sécurité au travail (CHSCT), rétorque de l’autre côté l’avocat d’Interparfums.
Me Jean-Philippe Benissan fait valoir aussi que le médecin du travail l’a déclaré « apte sans aucune réserve » à chacune de ses visites, jusqu’à la dernière en février 2012, à un moment où le plaignant dit qu’il souffrait déjà de « bore-out ».
Me Benissan dénonce une « stratégie » de l’ancien salarié, ainsi que l' »incohérence » de ses griefs. M. Desnard a saisi les prud’hommes en 2014 « en disant qu’il avait trop de travail », qu’il a « multiplié les casquettes » et maintenant « il décrit un bore-out », s’étonne-t-il.
Le plaignant réclame 150.000 euros en réparation du préjudice moral, 200.000 euros pour nullité du licenciement et 8.000 euros pour le paiement du préavis.
La décision sera rendue le 27 juillet.
AFP