Après un automne trop doux qui a déstabilisé certaines productions de légumes, les producteurs de fruits redoutent un hiver trop clément, qui augmenterait les risques liés au gel et aux insectes.
Le thermostat qui ne veut pas redescendre donne des sueurs froides à Charlotte, pépiniériste dans le Gard, venue au Salon des techniques de productions végétales (Sival), qui s’est ouvert mardi à Angers. «Les arbres n’ont pas perdu leurs feuilles et ne sont pas entrés dans le repos végétatif », indispensable «pour que le végétal puisse repartir au printemps », explique-t-elle à l’AFP.
Chaque espèce d’arbre fruitier a besoin de plusieurs centaines d’heures à moins de 7 degrés pour se régénérer et éviter des floraisons anormalement longues ou avortées. « Pour les fraises, il faut 1.000 heures de froid », précise Xavier, agriculteur des Yvelines.
Loin du compte, il va « replanter des plants qui ont subi des heures de froid » pour tenter de limiter la baisse de rendement, mais s’inquiète déjà de la prolifération d’insectes ravageurs habituellement stoppée par l’hiver. « On va avoir plus de boulot », prédit-il.
La situation n’est pas plus rassurante dans ses 5 hectares de vergers, plus que jamais à la merci du gel. «On a un mois d’avance. A ce rythme, on va bientôt avoir des floraisons. Au moindre coup de froid, ce sera zéro, tout sera perdu », prévient-il.
« Les bourgeons sont déjà en train de gonfler sur nos pommiers », constate pour sa part Charlotte, signalant « des floraisons précoces sur certaines espèces d’amandiers et de pêchers ». Et même dans le Gard, « on n’est pas à l’abri du gel », souligne la pépiniériste.
« Le climat n’a pas encore d’incidence », mais « plus les jours passent et plus on a d’inquiétudes », admet Bruno Dupont, président de l’interprofession des fruits et légumes frais Interfel, interrogé par l’AFP.
Pour ce producteur de pommes du Maine-et-Loire, la météo « affecte beaucoup plus le maraîchage », qui pourrait dans les prochaines semaines basculer d’une situation de surproduction à « un trou de production avec une rareté des produits et des prix qui peuvent s’envoler ».
Pour l’heure, les consommateurs délaissent plutôt les légumes d’hiver. « Il nous reste des stocks importants en carottes et en poireaux », rapporte Alain, maraîcher de la Manche, soucieux d’une possible « montaison plus rapide que d’habitude » de ses navets, panais et autres choux verts.
« On a des salades qui devraient sortir dans 15 jours et qui montent déjà », ajoute-t-il, alors qu’il en a déjà « beaucoup jeté » à l’automne.
« On a détruit un peu plus cette année », confirme Bernard, qui cultive céréales et salades dans le Maine-et-Loire, déplorant cette météo qui « gêne tout le monde » et faisant état de ventes à 12 centimes la pièce quand le prix de revient tourne autour de 38 centimes.
La situation est encore plus préoccupante pour la mâche: 60% de la production française en surface a dû être détruite au champ, affirme Jacques Rouchaussé, président du syndicat Légumes de France (affilié à la FNSEA).
« C’est la triple peine. On a des prix bas, on est obligés de broyer (…) et on va avoir des trous de cultures», qui provoqueront « encore un manque à gagner pour les producteurs », déplore-t-il.
Après « une mauvaise année » 2014 en termes de revenus et un exercice 2015 guère plus florissant, « il y a beaucoup de producteurs qui sont dans une difficulté assez grande ». Pour leur donner « une bouffée d’oxygène », M. Rouchaussé réclame une extension de « l’année blanche » promise aux éleveurs pour leurs emprunts bancaires.
Un message qu’il répètera au ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, qui visitera le Sival mercredi soir, avant de recevoir les producteurs de légumes à Paris le 19 janvier.
AFP