Les ministres de 195 nations réunis au Bourget vont devoir réduire le clivage historique entre pays du Sud et du Nord, s’ils veulent sceller vendredi comme prévu, un pacte mondial pour empêcher des désastres climatiques de plus en plus fréquents.
A un peu plus de 36 heures de l’échéance, un compromis en vue d’un accord pour juguler l’ampleur vertigineuse du réchauffement de la planète semblait encore difficile à atteindre, en raison de la résurgence de tensions entre pays du Nord et du Sud.
Avant d’entamer une nuit de négociations, des pays en développement avaient réaffirmé mercredi soir avec force leur volonté de ne pas être mis sur le même pied que ceux du Nord, à la fois responsables historiques du réchauffement et disposant de plus de moyens pour y faire face.
« Un accord durable ne peut pas être élaboré en diluant les responsabilités historiques et en mettant les pollueurs et les victimes sur le même plan », a lancé Prakash Javadekar, le ministre de l’Environnement de l’Inde, un pays clé des négociations.
Le Malaisien Gurdial Singh Nijar, s’exprimant au nom d’une vingtaine de pays en développement, a estimé que le texte remettait en cause le principe de « la responsabilité commune mais différenciée » de la Convention climat de l’ONU de 1992, qui prévoit que l’action climatique incombe en priorité aux pays développés.
« Si vous essayez de façon directe, indirecte ou par un autre biais » d’abandonner « ce point fondamental (…), nous n’aurons pas d’autre choix que de résister », a-t-il averti.
Si l’organisation des débats par la France a été unanimement saluée jusqu’ici, les discussions n’en sont pas moins laborieuses sur les sujets plus politiques que sont l’aide aux pays du Sud et les efforts pour réduire les émissions mondiales des gaz à effet de serre, responsables du réchauffement.
La question de la différenciation irrigue ces deux sujets: le Nord voudrait voir des pays émergents contribuer financièrement, et le Sud réclame que la réduction des émissions n’entrave pas leur développement, ce qui revient à demander une action plus vigoureuse aux pays développés.
Pour éviter les désastres annoncés en cas de réchauffement non maîtrisé, l’accord de Paris doit donner un coup d’accélérateur au développement des énergies renouvelables et à l’abandon progressif des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz), responsables du réchauffement.
Le but est de limiter la hausse du thermomètre mondial à 2°C ou moins afin d’éviter les conséquences les plus dramatiques du dérèglement climatique déjà constatées: aggravation des inondations, des sécheresses et de la fonte des glaciers, mettant en péril, dans de nombreuses régions, la production agricole et les ressources marines.
« Nous ne signerons pas un accord qui signifie une extinction inévitable de notre peuple », a lancé en séance plénière Denis Lowe, le ministre de l’Environnement de la Barbade.
Un nouveau projet d’accord, rédigé par les équipes de la présidence française de la conférence et une vingtaine de ministres facilitateurs, avait été présenté mercredi.
Les ONG avaient mis en garde face au risque de ne trouver un consensus que sur le plus petit dénominateur commun, le projet de texte comprenant « des options très ambitieuses et d’autres qui le sont beaucoup moins ».
« C’est un texte intermédiaire, un texte martyr, qui va souffrir, sur lequel on va passer toute la nuit, et on verra demain quel autre texte on va pouvoir produire », a déclaré à l’AFP Seyni Nafo, porte-parole du groupe Afrique.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, les ministres devaient « se concentrer avant tout sur la différenciation, l’ambition de l’accord et les financements », selon Laurent Fabius, ciblant les points durs des tractations.
Concernant l’aide financière aux pays du Sud, les questions sont nombreuses: comment la comptabiliser (prêts, dons), quels pays doivent contribuer, et comment la répartir entre l’adaptation au dérèglement climatique (digues, semences agricoles, système d’alerte météo…) et la réduction des émissions.
Au nom du groupe G77 et la Chine (134 pays émergents et en développement), Edna Molewa, la ministre sud-africaine de l’Environnement, a regretté qu’à ce stade le texte ne garantisse pas « une visibilité et une montée en puissance des financements ».
AFP