L’Orient Le Jour|

Le chef du Parti démocrate libanais, Talal Arslane, a donné hier son accord implicite à l’usage de la décharge de Costa Brava, « sous certaines conditions », devait-il préciser.

Lors d’une conférence de presse tenue au lendemain d’un Conseil des ministres des plus houleux autour de l’affaire des déchets, M. Arslane s’est lâché contre le gouvernement qu’il a accusé d’avoir échoué à tous les niveaux, avant de consentir à l’ouverture de la décharge de Costa Brava, à Choueifate.

« L’exécutif a échoué dans sa gestion des affaires du pays, que ce soit au plan politique, économique ou écologique », a-t-il dit. « Nous en sommes arrivés à une mascarade dans l’affaire des déchets », a ajouté l’ancien ministre, critiquant en des termes virulents « le fait d’avoir mis les Libanais devant deux choix uniques : soit la création de décharges aux portes de Beyrouth, soit laisser les ordures traîner et s’amonceler devant nos maisons et dans nos rues ». Et M. Arslane de dénoncer le fait que le gouvernement ait pris des décisions à ce sujet « sur la base de quote-parts (confessionnelles) qu’il a appliquées même aux déchets ».

« La décharge de Costa Brava ne sera pas utilisée comme ils le désirent », a-t-il mis en garde avant d’affirmer qu’il n’acceptera qu’elle soit mise en service que « sous le contrôle de la municipalité de Choueifate et de la société civile qui doivent superviser les moindres détails de son fonctionnement ». Il a menacé de recourir à des experts internationaux et de porter plainte, car les décharges de Costa Brava et de Bourj Hammoud « contreviennent à la convention de Barcelone », a-t-il rappelé.

Craignant la contestation populaire et faisant preuve de solidarité avec le Parti socialiste progressiste, l’ancien ministre a tenu à préciser au passage que l’idée de la décharge de Costa Brava « n’est pas une proposition émanant du PSP ». Il a souligné à ce propos que le ministre de l’Agriculture, Akram Chehayeb, a fait part de son opposition au projet et que son parti partageait la même position. « Ma crédibilité devant le citoyen prime sur toute décision », a encore indiqué M. Arslane, avant de conseiller au gouvernement d’engager des experts internationaux pour leur confier la tâche de la recherche de solutions finales, notamment par le biais d’usines de traitement et de recyclage des ordures.

À la question de savoir pour quelle raison il a fini par accepter la réouverture de la décharge de Costa Brava après l’avoir refusée dans un premier temps, M. Arslane a répondu : « Ils nous ont mis devant le fait accompli, soit l’amoncellement des ordures, soit la décharge. Nous n’accepterons pas que la question des décharges devienne une cause de discorde. »

Interrogé par ailleurs sur la manifestation prévue par la société civile à Khaldé, il a indiqué : « C’est un droit, et les habitants de la localité peuvent exprimer un avis que nous partageons d’ailleurs. »

À la question de savoir si la demande de faire venir des experts internationaux a été officiellement acceptée, l’ancien ministre a répondu par l’affirmative, soulignant que le Premier ministre Tammam Salam a déjà été prévenu et a fini par « donner son accord. La décharge sera opérationnelle incessamment, après la décision prise samedi en Conseil des ministres », devait-il encore préciser.

Marchandage et surenchères politiques

La veille, le gouvernement s’était réuni pendant plus de sept heures pour plancher sur le dossier des déchets. Une réunion qui s’est transformée en séance « de marchandage » et d’échanges acerbes sur fond de surenchères politiques. D’abord autour des « motivations » à offrir aux municipalités désignées pour accueillir et traiter les ordures ménagères, et les sommes à répartir entre les unes et les autres. Il s’agit notamment des municipalités de Bourj Hammoud, de Jdeidé-Bauchrieh, de Choueifate, de Bourj Brajneh ainsi qu’une localité située dans le Chouf. Le second problème, suscité par le paiement des « charges » aux municipalités – fixées à 8 millions de dollars par an pour chacune –, devait tourner autour de la question du mécanisme d’allocation des crédits nécessaires sur une période de quatre ans, soit la durée du plan « provisoire » pour le ramassage, le tri, le traitement et l’enfouissement des ordures. Le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, devait clairement faire savoir que si le versement de la somme pouvait se faire la première année sur base du douzième provisoire, cette méthode ne pouvait s’ériger en règle pour les années suivantes. Une loi adoptée au Parlement autorisant les futurs versements devenait ainsi incontournable, confie une source ministérielle à L’Orient-Le Jour. Un sujet qui a de toute évidence relancé le débat sempiternel sur la « législation » avant l’élection d’un chef de l’État et l’ouverture d’une session parlementaire extraordinaire, les aounistes rejoints par le parti Tachnag ayant insisté, aux côtés du mouvement Amal, à faire avaliser l’accord pour les quatre années à venir.

Mais les complications ne devaient pas s’arrêter à ce niveau. Au tour des Kataëb de s’opposer ensuite à la décision impopulaire certes, mais « incontournable », dira la source, de confier à Sukleen la tâche de poursuivre le ramassage des ordures et au CDR de définir, d’ici à deux mois, le cahier des charges pour effectuer les appels d’offres auprès des sociétés qui devront par la suite assurer le traitement des déchets. C’était la goutte de plus qui fera déborder le vase et fera sortir le chef du gouvernement de son calme légendaire. Ce n’est que sous la menace brandie de sortir et d’annoncer aux Libanais sa démission que le plan sera finalement adopté.

Certes, ce n’est que le début d’un processus qui risque de s’étaler sur des mois. Une chose est sûre, les anciennes ordures ménagères accumulées depuis juin dernier seront acheminées, sur une période de deux à trois mois, vers la décharge de Naamé, croit-on savoir de source informée. Quant aux nouveaux arrivages – les déchets produits à partir d’aujourd’hui –, ils seront acheminés vers des parkings situés près de Bourj Hammoud et de Costa Brava en attendant d’être traités. La solution est donc théoriquement trouvée. Il reste à voir comment sa concrétisation se fera, et dans quels délais, une dernière inconnue étant pour l’heure l’humeur de la rue qui devrait se manifester, une fois encore, aujourd’hui.

Publisher: Lebanese Company for Information & Studies
Editeur : Société Libanaise d'Information et d’Etudes
Rédacteur en chef : Hassan Moukalled


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