L’Orient Le Jour|
Le gouvernement s’apprête à exécuter son plan de gestion des déchets, celui qui repose sur la création de deux décharges côtières, l’une à Bourj Hammoud, pour les déchets du Metn et du Kesrouan (environ 1 200 tonnes par jour) et l’autre sur le littoral de Choueifate, sur la plage dite de Costa Brava. Sur les deux sites, des terrains sont déjà préparés pour le stockage des ballots de déchets en attendant l’enfouissement, après la construction d’un brise-lame en mer. Au grand dam des écologistes, ce plan conduira donc au remblayage d’énormes superficies en mer, ce qui signifie de graves dégâts sur le littoral et la mainmise sur des biens-fonds maritimes, même si les responsables assurent qu’ils resteront publics et à la disposition des municipalités.
Mais il n’y a pas que l’aspect écologique : le collectif « Nous réclamons des comptes » a effectué hier un sit-in devant le siège de la compagnie Sukleen à La Quarantaine pour protester contre le renouvellement du contrat de cette compagnie avec l’État, pour appliquer le nouveau plan de gestion des déchets, alors même qu’elle devrait être entendue par le parquet financier pour malversations et non-respect de son contrat. Durant le sit-in, en réponse à des slogans scandés par les jeunes du mouvement, des employés et des gardes de Sukleen ont réagi violemment, s’attaquant aux manifestants et les rouant de coups, comme l’assure la militante Nehmat Badreddine à l’Agence nationale d’information (Ani). La scène a également été filmée par les caméras de télévision.
En ce qui concerne le plan, le président du conseil municipal de Bourj Hammoud, Antranik Messerlian, précise à L’Orient-Le Jour que les travaux ont commencé sur le terrain « pour préparer la décharge, durant dix jours environ, sur un terrain proche du dépotoir mais pas directement sur la mer». Il affirme qu’« un ingénieur, désigné par la municipalité, sera présent à toutes les étapes pour contrôler le travail comme le tonnage, d’ailleurs ».
Rappelons que la montagne d’ordures, vestige des années de guerre, sera également traitée par un tri sur place. Quant aux déchets nouveaux provenant des deux cazas, ils seront, rappelle M. Messerlian, « acheminés vers le centre de tri de La Quarantaine, puis vers le centre de compostage de Coral, où les ordures organiques seront traitées et stérilisées, avant d’être disposées en ballots totalement stériles qui seront utilisés pour remblayer la mer, une fois le brise-lame terminé ».
Malgré la contestation populaire, le projet est en marche également à Costa Brava, puisque des tracteurs balisent un terrain sur la mer depuis la semaine dernière. Dans ce site, point de décharge sauvage vieille de plusieurs décennies, mais les remblais résultant de la destruction de la banlieue sud de Beyrouth durant la guerre israélienne de 2006. Contrairement à Bourj Hammoud, il y aura un centre de tri à même ce site.
À Naamé aussi, les camions transportent les déchets sur le site malgré un week-end de colère des habitants, qui ont tenté d’empêcher une réouverture de la décharge.
Mais c’est à Saïda que la contestation s’est fait entendre hier. La ville, qui dispose d’une usine de compostage des déchets, devrait traiter quelque 200 tonnes des déchets de Beyrouth par jour, dans le cadre de ce plan. Or il semble qu’il n’y a pas d’unanimité autour de cette question dans la ville. La colère gronde déjà en raison de l’arrivée de tonnes de déchets de régions comme Hazmieh et Jounieh : de jeunes hommes ont tenté d’entraver hier la route de deux camions qui se dirigeaient vers l’usine. Les forces de l’ordre ont dû intervenir pour empêcher une dispute entre ces jeunes hommes et les chauffeurs des camions.
L’Organisation nassériste a appelé à « rester vigilant face au ballet grandissant de camions de déchets venus de l’extérieur du caza de Saïda-Zahrani », révélant que ces jeunes hommes sortent de ses rangs. Elle pointe du doigt « la pollution grandissante du littoral de Saïda ». Elle demande « à la municipalité de Saïda et aux deux députés de la ville de se montrer solidaires des habitants et de protéger la santé publique et l’environnement ».
Même son de cloche auprès de l’ancien président du conseil municipal de Saïda, Abdel Rahman Bizri. Celui-ci estime « qu’il ne faut pas introduire dans la ville des déchets venus d’ailleurs, tant que le plan gouvernemental n’est pas clair », insistant sur le fait qu’« il faut s’assurer que les intérêts de la ville sont pris en compte et que la source de ces déchets est bien identifiée ».
Pour sa part, la Jamaa islamiya déplore que « les solutions au problème des déchets ne soient pas radicales, alors que Saïda se retrouve une fois de plus au cœur de la problématique. Nous refusons totalement que des déchets de l’extérieur du caza soient introduits dans la ville avant qu’il y ait une entente autour de tous les détails», poursuit le communiqué.