Son slogan est « la voix des sans voix » mais, après 42 ans d’existence, le prestigieux quotidien libanais As-Safir risque se retrouver muet, triste illustration de la crise sans précédent des médias du pays.

Outre la concurrence d’internet, les quotidiens libanais, autrefois gloire de la presse arabe, souffrent de la paralysie politique et de la forte baisse des financements accordés par des régimes aujourd’hui disparus ou vacillants après le Printemps arabe.

Lancé un an avant l’éclatement de la guerre civile du Liban (1975-1990), As-Safir est menacée de fermeture faute de moyens financiers, tandis que son rival An-Nahar ne paie plus régulièrement ses employés.

« Nous avons brûlé nos dernières cartouches », regrette Talal Salmane, fondateur et rédacteur en chef d’As-Safir. « Nous n’avons plus de fonds et nous cherchons désespérement un partenaire pour financer le journal » qui est déjà passé de 18 à 12 pages, confie-t-il à l’AFP.

« La presse au Liban, qui fut pionnière dans le monde arabe, traverse la pire crise de son existence », assure le rédacteur en chef du journal dont l’avenir des 159 employés reste incertain.

D’après lui, l’agonie de la presse résulte d’abord de la léthargie politique dont souffre le Liban, sans président depuis près de deux ans, sans élections législatives depuis 2009 et avec un gouvernement paralysé par les divisions exacerbées par le conflit en Syrie voisine.

« Il y a un vide politique (…) Or il n’y a pas de presse sans politique », résume M. Salmane.

« La crise de la presse est partie intégrante de la crise du Liban », renchérit Mohammad Farhat, directeur de la rédaction du quotidien panarabe Al-Hayat, qui paraît à Londres et à Beyrouth. « Et la mort de la politique signifie la mort de la presse ».

Des spéculations ont fait état de la fermeture imminente d’An-Nahar, le plus connu et le plus ancien quotidien encore en circulation depuis 1933.

Malgré un démenti du journal, témoin de l’histoire du pays depuis le mandat français, An-Nahar ne paie plus les salaires depuis près de sept mois, affirme un employé sous couvert de l’anonymat. Des journalistes du seul quotidien anglophone The Daily Star, confient également ne pas être payés depuis trois mois.

La crise frappe aussi les télévisions, les chaînes LBCI et Al-Jadeed ayant licencié un grand nombre d’employés pour survivre, d’après des sources dans le métier.

L’empire médiatique de Saad Hariri, ex-Premier ministre milliardaire, est aussi obéré par les difficultés financières tout comme sa compagnie Saudi Oger basée à Ryad.

Ainsi, son quotidien Al-Moustaqbal et la chaîne du même nom ne payeraient pas de salaires depuis au moins 10 mois, d’après d’anciens employés.

L’Orient-Le Jour, le seul quotidien francophone au Liban et l’un des rares dans la région, résiste lui mieux grâce à « une gestion saine sans argent politique, la non distribution de dividendes et un investissement avant tout le monde dans le numérique », explique sa directrice exécutive, Nayla de Freige.

Mais au-delà de la crise politique, la presse libanaise ne joue plus comme dans le passé son rôle de porte-voix des diverses forces régionales.

Durant la guerre du Liban, la Libye de Mouammar Kadhafi, l’Irak de Saddam Hussein, la Syrie de Hafez al-Assad et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat, tous impliqués dans ce conflit, finançaient la presse.

As-Safir et An-Nahar étaient les grands rivaux, le premier promouvant le nationalisme arabe et la cause palestinienne, le deuxième défendant la spécificité et la pluralité du Liban.

La période post-guerre a vu l’émergence du financement saoudien, iranien et qatari, mais depuis quelques années, les titres libanais ont vu progressivement ces fonds se tarir.

« La presse libanaise a perdu de son attrait pour ces régimes qui peuvent faire passer leurs messages par leurs propres médias », explique à l’AFP Georges Sadaqa, doyen de la faculté de l’Information à l’Université libanaise.

A l’été 2015, des documents révélés par Wikileaks montraient qu’une chaîne libanaise a obtenu une aide saoudienne de deux millions de dollars, « soit le 10e de ce qu’elle demandait ».

Parallèlement, les revenus publicitaires des journaux ne cessent de s’effriter, ayant baissé de 10,7% entre 2014 et 2015, à 25 millions de dollars, selon l’institut Ipsos Mena.

Dans le passé, la presse libanaise était si audacieuse que des journalistes l’ont payé de leur vie, comme Sélim al-Lawzé, Nassib al-Matni, Riad Taha, Kamel Mroué ou encore Ghassan Kanafani dans les années d’avant-guerre et durant le conflit. Talal Salmane a lui-même échappé à une tentative de meurtre dans les années 1980.

Par la suite, durant les années sombres de la tutelle de Damas, des journalistes ont été intimidés, arrêtés ou liquidés jusqu’au retrait des troupes syriennes en 2005.

 

AFP

 

Publisher: Lebanese Company for Information & Studies
Editeur : Société Libanaise d'Information et d’Etudes
Rédacteur en chef : Hassan Moukalled


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