Proche de l’émir Al-Thani, cet ancien sportif préside de le club parisien depuis son rachat par le Qatar à l’été 2011. Ce soir il sera évidemment présent dans les tribunes de l’Etihad stadium (20h45) pour voir son équipe tenter d’accéder aux demi-finales de la Ligue des Champions. Portrait.
Au centre de la corbeille du Parc des Princes, sa concentration semble toujours maximale. Épié par les caméras, Nasser Al-Khelaïfi, 42 ans, président du Paris Saint-Germain, a un lourd cahier des charges à tenir. L’homme au regard noir contemple son équipe construite à prix d’or : 558 millions d’euros dépensés en transferts depuis le rachat du club par Qatar Sports Investments (QSI) en 2011. « Être président de club, c’est un truc de malade mental, ça te flingue la santé », confie un proche du boss parisien. Ce dirigeant aux multiples casquettes (président du PSG, de beIN Media Group, à la tête de QSI, président de la Fédération qatarienne de tennis, patron de la Fédération asiatique de tennis, ministre hors cadre) peut toutefois s’appuyer sur son endurance d’ancien sportif de haut niveau. « Le tennis a sûrement pu l’aider à tenir le rythme, il travaille beaucoup et très tard », assure un collaborateur de cet ancien 995ème à l’ATP et qui a notamment manié la raquette pour le Qatar en Coupe Davis.
C’est notamment grâce à ce sport pratiqué au Doha Club que Nasser fait, à l’adolescence, la rencontre de son futur grand ami, Tamim ben Hamad al-Thani, de sept ans son cadet. Rien ne prédestine pourtant les deux jeunes à tisser des liens indéfectibles. L’un est le fils d’un pêcheur de perles qui perpétue la tradition au fil des générations. Une famille de la classe moyenne qatarienne, dans un pays où le PIB par habitant est le plus élevé au monde (105 000 dollars par an). L’autre est le fils de l’émir en place. « Je le considère comme un frère. Je donnerais tout pour lui. Mais quand on s’affrontait au tennis, c’était le match d’un tennisman contre un autre tennisman », expliquait Al-Khelaïfi à L’Équipe Magazine en 2013.
Quelques années plus tard, c’est dans le sud de la France que Nasser prendra chaque été l’habitude de peaufiner sa préparation. Bruno Rafaitin, coach au Tennis Club Nice Giordan, se souvient : « Un jour, on est partis à Annecy. On était sept dans une voiture avec tout lematériel et les bagages, c’était vraiment très à l’étroit, lui n’avait strictement rien dit pendant six heures de route » Un homme simple, en somme. « C’est aussi pour cela qu’il a été bien accepté »,poursuit-il. Dans le sud de la France, on se souvient d’un compétiteur. « Il y a des joueurs qui jouent au tennis par plaisir du jeu, lui son plaisir c’était gagner ».
Lorsque le PSG passe sous pavillon qatarien à l’été 2011, le prince héritier Al-Thani, devenu émir en 2013, livre naturellement les clés de sa nouvelle vitrine occidentale à cet intime, titulaire d’un MBA d’économie. « À son arrivée, j’ai veillé à ce qu’il respecte bien notre ADN. Je me suis vite aperçu qu’il gérait le club de manière extrêmement intelligente, que c’était un très bon manager et gestionnaire », explique Alain Cayzac, ex-patron du club et aujourd’hui vice-président de la Fondation PSG, que « Nasser » a tout de suite demandé à rencontrer. « Ce qui m’a séduit, c’est son élégance, sa manière de s’exprimer, au départ en anglais, avec un certain respect de son interlocuteur », poursuit le publicitaire. Un avis partagé par Noël Le Graët, président de la Fédération française de football. « Ce qui me frappe, c’est son éternelle courtoisie. Et quand il n’est pas content, il le dit de façon très bien élevée », glisse le boss du foot français. Lors de la première saison des Qatariens à Paris, le club sur fait chiper le titre de champion de France par Montpellier. Al-Khelaïfi enverra un maillot signé par tous les joueurs parisiens à son homologue Louis Nicollin, grand collectionneur de tuniques. « Je l’aime aussi énormément parce que c’est un mec supérieurement intelligent, qui parle maintenant pas mal le français. Il a fait des efforts. Moi, si j’avais eu autant de pognon que lui, j’aurais emmerdé les Français et je n’aurais parlé qu’en anglais. Rien que pour ça, c’est un mec bien » expliquera Nicollin au Figaro en décembre 2014.
Au milieu de ce concert d’éloges, certaines mauvaises langues cantonnent le rôle d’Al-Khelaïfi à celui d’un porte-parole de Doha pour les décisions majeures. Une vision contestée. « Il est sous les ordres financièrement et économiquement, ce qui est normal », admet un fin connaisseur de ce microcosme. « Quand je vois Nasser, j’ai l’impression que c’est vraiment le patron et qu’il a complètement la confiance de l’émir. Après, sur les très grandes décisions, il n’est pas interdit d’en référer. Les Qatariens ne sont pas venus à Paris seulement par amour du foot, mais pour rendre le Qatar plus connu, plus légitime et moins sujet aux critiques », pondère Cayzac. Un rôle d’ambassadeur de son pays dont il use avec minutie dans les travées du Parc des Princes, siégeant aussi bien au côté de Nicolas Sarkozy que de Manuel Valls ou d’Anne Hidalgo. Une manière de satisfaire tout le monde, sans risquer de froisser un pouvoir aux couleurs changeantes. « C’est une bonne façon de montrer qu’il y a d’un côté le Qatar et, de l’autre, le Paris Saint-Germain qui appartient aux Qatariens, les deux choses sont distinctes », explique un ancien dirigeant.
Au quotidien, lorsque Al-Khelaïfi est à Doha, où vivent sa femme et ses quatre enfants, ou voyage tout autour du globe, Jean-Claude Blanc, directeur général délégué, et Olivier Létang, en charge de la partie sportive, tiennent la barre du bateau PSG sans échapper à l’œil de leur patron qui veille au grain. « Il regarde tout, tout le temps, où qu’il soit, ce n’est pas parce qu’il va être à Doha, à Londres ou à New York qu’il ne va pas suivre ce qui se passe. Il a un souci du détail et se penche sur tout », assure-t-on dans l’entourage de ce président qui fonctionne essentiellement par textos, et auxquels il répond quasi systématiquement.
Ce sens du collectif et de la fidelité partagé avec certains de ses proches collaborateurs rencontrés sur les courts de tennis (Yousef Al-Obaidly, à la tête de beIN sport France ainsi que son chef de cabinet Adel Aref, ancien arbitre de tennis international) se prolonge jusqu’au vestiaire. « Pour lui, le club est une famille. Si un joueur a un pépin, il sera là », confie-t-on en interne où le dit proche de cadres comme Thiago Silva et Zlatan Ibrahimovic.
Plus patient qu’à sa prise de fonctions, Al-Khelaïfi semble s’être accommodé du rythme nécessaire pour bâtir un grand club. L’entraîneur parisien, Laurent Blanc, a récemment vu son contrat prolongé avant le huitième de finale de la Ligue des champions face à Chelsea. Une marque de confiance offerte à celui qui n’était pas le premier choix des dirigeants lors de son arrivée, en 2013. Noël Le Graët se souvient d’un déjeuner où Al-Khelaïfi « n’avait pas encore arrêté son choix sur le successeur d’Ancelotti, et voulait savoir comment cela s’était passé avec Laurent Blanc en équipe de France ». Il sollicite, questionne et se montre curieux. Mais Nasser al-Khelaïfi reste surtout fixé de façon obsessionnelle sur la quête de la Ligue des champions pour faire accéder le club à une autre dimension sportive. Sur le terrain économique, le PSG s’impose déjà comme le quatrième club le plus riche du monde avec 480,8 millions d’euros. Net et précis.
Source: Baptiste Mandrillon
VSD