Les internes des hôpitaux anglais ont entamé mardi la première grève totale de leur histoire dans l’espoir de faire dérailler une réforme de leurs conditions de travail défendue par le gouvernement conservateur de David Cameron.
Ce débrayage, qui a commencé à 08H00 (07H00 GMT) pour s’achever à 17H00 (16H00 GMT) et doit se poursuivre mercredi selon les mêmes horaires, devrait avoir un impact majeur dans le service public de santé (NHS), qui emploie en Angleterre 53.000 « junior doctors » (un tiers du corps médical).
Car si plusieurs grèves ont affecté les services dans les hôpitaux anglais depuis le début de l’année, il s’agit de la première à s’immiscer aussi dans les unités d’urgence des hôpitaux.
En l’absence de « junior doctors », plus de 110.000 consultations et 12.500 opérations ont été annulées, car les hôpitaux doivent réaffecter le personnel médical prévu pour ces consultations et opérations aux services d’urgence, a expliqué Anne Rainsberry, une cadre du NHS pour l’Angleterre.
« Tout ce qui est sans précédent comme (cette grève) met une pression significative sur le NHS », a-t-elle souligné sur BBC Radio 4. « Le NHS a fait tout son possible pour atténuer cette pression mais c’est impossible de la réduire complètement ».
« Le public sera extrêmement déçu que les professionnels (de santé) mettent en péril les patients et il est extrêmement dramatique qu’ils le fassent. Ils franchissent le Rubicon », avait dénoncé lundi le ministre de la Santé, Jeremy Hunt.
« Si le gouvernement annule la mise en place (de la réforme), nous annulerons la grève », avait répliqué le Dr Mark Porter, président de la British Medical Association (BMA), qui représente les internes en médecine.
Selon lui, le ministre cherche « un moyen de salir les internes en médecine » en exagérant les conséquences potentielles de cette grève.
– Enjeux de la réforme –
Ce nouveau mouvement social vise à faire dérailler une réforme imposant aux « junior doctors » un nouveau contrat qui prévoit une augmentation du salaire de base de 13,5% mais aussi une réduction des heures majorées le week-end.
Certains horaires auparavant considérés comme étant hors des horaires normaux, par exemple le samedi, ne le seront plus et donneront donc lieu à des rétributions plus faibles.
Le gouvernement dit vouloir ainsi améliorer le service rendu dans les hôpitaux sept jours sur sept et cite huit rapports évoquant un taux de mortalité plus élevé le week-end, ce que conteste la BMA.
Les internes dénoncent un risque de démotivation et de dégradation de leurs conditions de travail susceptible de nuire aux soins apportés aux patients.
« La vérité est qu’il n’y a plus aucune confiance entre les gens qui travaillent au NHS et ce ministre de la Santé », a regretté lundi Heidi Alexander, députée du Parti travailliste (opposition) en charge des questions de santé.
– Appel à Cameron –
Face au risque de pagaille, le NHS a publié une liste de recommandations appelant la population à ne pas solliciter outre mesure les hôpitaux, sauf « véritable urgence ».
« Si un hôpital devait se trouver sous pression significative et soutenue (…), nous pouvons demander au BMA que certains junior doctors reviennent aider cet hôpital », a indiqué Mme Rainsberry.
Signe de la crise, plus d’une dizaine de présidents de facultés de médecine ont adressé une lettre ouverte au Premier ministre David Cameron l’appelant à intervenir directement pour débloquer le dossier.
« L’impasse dans le conflit entre le gouvernement et les internes en médecine fait peser une grave menace sur notre système de santé en sapant le moral d’un groupe de personnels dont dépend le futur du NHS », ont-ils écrit.
« Nous vous demandons d’intervenir, de ramener les deux parties à la table des négociations, de mettre un terme à cet affrontement dangereux et d’initier un débat honnête sur les graves difficultés qui affectent » le NHS, ont-ils ajouté.
Au cours du week-end, un groupe de parlementaires de tous bords avait proposé à l’exécutif d’expérimenter son nouveau contrat dans un petit nombre d’établissements avant d’envisager sa généralisation.
Inflexible, le gouvernement a dénoncé une manœuvre « opportuniste » de l’opposition travailliste et souligné que le dispositif prévoyait déjà une mise en œuvre par étapes.
AFP