Déjà dénoncées pour leurs piètres conditions de travail et leurs dégâts sur l’environnement, les mines clandestines en Colombie sont accusées d’un autre effet pervers : une explosion des cas de paludisme, multipliés par quatre dans certaines régions.
« Le pays avait plus ou moins contrôlé le problème du paludisme (…), dont la mortalité avait diminué de façon substantielle, mais à cause de l’activité minière illégale (…), nous avons depuis l’an dernier, et surtout cette année, quelques foyers », a expliqué cette semaine le ministre de la Santé, Alejandro Gaviria.
« Nous avons constaté une hausse des cas de paludisme et de la mortalité dans les départements de Choco (ouest) et Bajo Cauca (sud-ouest) », a-t-il détaillé sur la radio RCN.
Situé en pleine jungle, le département de Choco est le plus touché, selon le dernier rapport de l’Institut national de la santé (INS).
L’INS y recense, depuis début 2016, 18.524 cas de paludisme sous forme légère et quelque 300 cas de la version plus grave de la maladie, qui peut générer des troubles sanguins, hépatiques, rénaux ou cérébraux.
Un an plus tôt, le nombre de cas enregistrés dans cette zone était quatre fois moins élevé : 4.740.
Le phénomène n’est pas nouveau. Selon l’INS, « les déplacements de population associés à l’exploitation de mines d’or » et la déforestation associée à cette activité « ont provoqué des épidémies isolées » de paludisme, par le passé, en Amérique latine.
En Colombie, l’activité minière est un secteur important de l’économie. Selon les derniers chiffres officiels disponibles, les mines légales ont apporté 2,3% du PIB en 2012, soit 8,5 milliards de dollars.
Mais plus de la moitié des sites exploités sont en fait illégaux, selon les autorités.
Ces mines clandestines, servant de source de financement aux groupes armées illégaux, sont généralement montrées du doigt par les ONG et les autorités pour leurs conditions de travail proches de l’esclavage et leur impact déplorable sur l’environnement.
– Prolifération de moustiques –
Dans ces zones de non-droit, « des machines excavatrices creusent des trous énormes où l’eau s’accumule, de parfaits bouillons de culture pour le moustique vecteur du paludisme », explique à l’AFP le chercheur Ivan Dario Vélez, directeur du programme d’études et de contrôle des maladies tropicales de l’université d’Antioquia.
En outre, les campements où s’installent les mineurs clandestins « manquent généralement de services publics et de conditions minimales de salubrité », accentuant la prolifération de moustiques et donc de la maladie.
Selon M. Vélez, le lien entre paludisme et activité minière illégale a déjà été étudié dans d’autres pays, comme le Brésil.
Le paludisme, aussi appelé malaria, provoque de la fièvre, des maux de tête, des tremblements et des vomissements. En 2015, il a touché 214 millions de personnes dans le monde, en tuant 438.000, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Transmise par un moustique, la maladie touche principalement l’Afrique subsaharienne, et de moins en moins l’Amérique du sud : depuis 2000, la mortalité liée au paludisme y a chuté de 72% et l’OMS prévoit l’éradication de la maladie dans huit pays latino-américains d’ici 2020.
Dans le département colombien de Choco, l’explosion des cas se double malheureusement d' »une pénurie globale de médicaments » contre cette affection, a souligné le ministre de la Santé.
Quelque 7.000 doses du médicament nécessaire sont en cours d’envoi vers ce département, qui est le plus pauvre du pays, a-t-il précisé .
Entre 2015 et 2016, une trentaine de personnes sont décédées de paludisme dans cette zone, la plupart dans des communautés indigènes et afro-colombiennes qui vivent souvent isolées des centres urbains, selon le bureau du Défenseur du peuple, organisme de défense des droits de l’homme qui a alerté cette semaine d’une « hausse inquiétante » des cas.
La Cour constitutionnelle a lancé en février une enquête dans ce même département sur le décès de 37 enfants et de l’intoxication de 64 autres, victimes en 2013 et 2014 de maladies qui seraient liées au mercure utilisé dans les mines.
AFP