Immergée jusqu’à la taille dans les eaux saphir de l’océan Indien, au large de Zanzibar, Mtumwa Vuai Ameir noue de jeunes pousses d’algues à des piquets en bois, et peste: les récoltes sont décimées par une eau devenue trop chaude alors que la concurrence asiatique enfonce l’ « île aux épices ».

« Nous sommes désespérés, certains cultivateurs ont été découragés et ont abandonné le travail », regrette Ameir, cultivatrice depuis plus de 20 ans, jetant un regard sur les plages de sable blanc qui jouxtent son village de Muungoni, sur l’île principale de cet archipel tanzanien semi-autonome.

Pendant que Zanzibar se demande si le réchauffement climatique doit être tenu pour responsable de récoltes désastreuses, la concurrence asiatique casse les prix et gagne des parts de marché.

Algue rouge, le spinosum cultivé à Zanzibar jouit d’une réputation mondiale. Cette algue est mangée ou utilisée dans la fabrication de cosmétiques et de médicaments en Asie, en Europe et en Amérique du Nord.

Sa culture sur l’archipel a débuté en 1989 avec le soutien tanzanien de l’université de Dar es Salaam, et Zanzibar est devenu le troisième producteur mondial de ce type d’algues, derrière l’Indonésie et les Philippines. En 2015, près de 24.000 fermiers ont récolté plus de 16.000 tonnes d’algues, dont 90% de spinosum, selon le gouvernement local.

Parmi ces fermiers, 80% sont des femmes. Dans une région où les sources de revenus sont rares et alors que la société est à 98% musulmane à Zanzibar, la culture des algues permet aux femmes de s’émanciper financièrement.

Mais alors que la température idéale de l’eau pour la culture du spinosum est de 25 à 30°C, elle grimpe par endroits jusqu’à plus de 31°C autour de Zanzibar.

« Quand l’eau est trop chaude, les algues n’arrivent pas à bien se développer et elles meurent », explique Narriman Jiddawi, biologiste de l’Institut des sciences marines (IMS) de l’université de Dar es Salaam.

Du coup, « beaucoup de femmes ont arrêté de cultiver les algues », souligne-t-il.

Constaté depuis 2012, le phénomène a pris une nouvelle dimension au premier trimestre 2016, où Zanzibar a produit un peu plus de 1.400 tonnes d’algues, soit près de deux fois et demie moins qu’un an plus tôt (3.300 tonnes au premier trimestre 2015).

L’IMS pense que le réchauffement climatique est coupable, mais l’hypothèse reste à prouver par une étude en cours: la température de l’eau est soigneusement surveillée, tout comme des organismes potentiellement néfastes poussant sur le spinosum.

En attendant, l’Institut encourage les fermiers, tests concluants à l’appui, à cultiver dans des eaux plus profondes, donc plus froides, afin de limiter les « infections ». Une option qui complique la tâche des cultivateurs.

Une autre voie s’esquisse, que certains fermiers comme Ameir ont déjà empruntée: planter du cottonii, une algue plus résistante et plus rentable que le spinosum.

Cottonii ou pas, Zanzibar est contraint de baisser ses prix pour tenter de rester compétitif face aux algues produites à moindre coût en Asie.

Un kilo de spinosum se vendait il y a peu 700 shillings tanzaniens (0,28 euro); il se négocie désormais à 300 shillings. Le prix du kilo de cottonii n’a lui chuté de 1.100 à 700 shillings.

« Nous n’avons aucun contrôle sur les prix, nous devons les ajuster pour conserver nos clients », soupire Arif Mazrui, directeur de la société ZanQue Aqua Farm, productrice et exportatrice. « Les fermiers sont les grands perdants lorsque nous ajustons nos prix ».

Ce n’est pourtant pas assez: ces prix restent plus élevés qu’en Indonésie et aux Philippines, où la qualité de la culture de spinosum s’est par ailleurs améliorée ces dernières années, l’algue venue d’Asie rognant désormais les parts de marché de Zanzibar.

De plus, les gros clients américains et chinois sont géographiquement plus proches de l’Indonésie et des Philippines que de Zanzibar. Le coût du transport restera donc, quoi qu’il arrive, plus élevé pour les algues tanzaniennes.

A Zanzibar, « l’industrie des algues est devenue difficile, les fermiers et les exportateurs sont plus frustrés les uns que les autres », assure M. Mazrui. « Mais nous encourageons (les fermiers, ndlr) à continuer la production dans l’espoir que les prix remontent dans un futur proche ».

Le président de Zanzibar, Ali Mohamed Shein, réélu fin mars pour un second mandat, a promis de s’occuper du problème, notamment via l’amélioration des équipements.

Le gouvernement tente en outre de promouvoir la transformation locale pour contrer la dépendance aux exportations d’algues brutes. « Nous invitons des investisseurs à venir installer des industries utilisant les algues comme matériau », déclare Hashim Moumin, chef du département aquaculture au ministère des Ressources marines et de la Pêche.

Quant aux fermiers, ils ont pour le moment peu de choix: « Malgré les prix bas et la production désastreuse, je ne me résous pas à abandonner ce difficile travail », soupire Ameir, car « je dois gagner de l’argent pour subvenir aux besoins de ma famille ».

 

AFP

 

Publisher: Lebanese Company for Information & Studies
Editeur : Société Libanaise d'Information et d’Etudes
Rédacteur en chef : Hassan Moukalled


Consultants :
LIBAN : Dr. Zaynab Moukalled Noureddine, Dr Naji Kodeih
SYRIE : Joseph el Helou, Asaad el kheir, Mazen el Makdesi
EGYPTE : Ahmad Al Droubi
Directeur Éditorial : Bassam Al-Kantar

Directeur Administratif : Rayan Moukalled

Addresse: Liban, Beyrouth, Badaro, Sami El Solh | Immeuble Al Snoubra, B.P. 113/6517 | Téléfax : +961-01392444 - 01392555-01381664 |email: [email protected]

Pin It on Pinterest

Share This