La visite de Barack Obama la semaine prochaine à Hiroshima a relancé un débat sensible sur la décision du président Harry Truman d’avoir eu recours à l’arme atomique à la fin de la Seconde guerre mondiale.
Le 25 avril 1945, 13 jours après avoir hérité de la présidence à la suite du décès de Franklin D. Roosevelt, le nouveau commandant en chef recevait des informations confidentielles qui allaient changer le cours de l’histoire.
« D’ici quatre mois, nous aurons probablement mis au point l’arme la plus terrible de l’histoire humaine, une bombe qui pourrait détruire une ville entière », indiquait le secrétaire à la Guerre Henry Stimson dans une note remise en main propre au président des Etats-Unis.
Même en tant que vice-président de Roosevelt, Truman n’avait pas été informé du Projet Manhattan, nom de code de ce programme de recherche.
Les 6 et 9 août 1945, les bombes atomiques étaient larguées sur Hiroshima et Nagasaki faisant au total quelque 214.000 morts et poussant le Japon à capituler.
Les circonstances dans lesquelles Truman a pris sa décision font toujours l’objet d’âpres débats.
Aux Etats-Unis, certaines voix, qui redoutent que le déplacement de M. Obama ne soit assimilé à une «tournée d’excuses », appellent ce dernier à la réserve.
« Lorsque M. Obama visitera Hiroshima le 27 mai, il ne devrait mettre aucune distance entre lui et Harry Truman », a écrit Wilson Miscamble, professeur d’histoire à l’University of Notre Dame. « Il devrait plutôt rendre hommage au président dont les actes ont mis fin à une guerre terrible ».
Pour les partisans de Truman, le 33e président des Etats-Unis n’avait pas beaucoup de choix.
A la fin du printemps 1945, Adolf Hitler était encerclé et la guerre en Europe s’achevait enfin. Mais dans le Pacifique, le bilan était sanglant et, en dépit de pertes importantes et d’une défaite qui semblait inéluctable, rien n’indiquait que le Japon était sur le point de se rendre.
Pour Truman, la bombe était d’abord et avant tout la seule alternative à une invasion terrestre de l’archipel. Une telle offensive, connue sous le nom d’ « Operation Downfall », aurait pu impliquer au moins un million de soldats américains.
Les batailles d’Okinawa et d’Iwo Jima en tête, les stratèges militaires américains estimaient que l’opération pourrait faire quelque 250.000 victimes (militaires et civils) et prolonger la guerre d’au moins un an.
Parmi les conseillers de Truman, des voix se sont élevées pour mettre en garde contre l’utilisation de cette bombe d’un genre radicalement nouveau, parmi lesquelles celle de Dwight Eisenhower, le futur président qui était alors général.
« J’étais l’un de ceux qui pensaient qu’il y avait un certain nombre de raisons pertinentes pour douter du bien-fondé d’une telle décision », écrira-t-il plus tard.
Mais aucun élément concret ne permet d’affirmer que Truman a sérieusement envisagé de se passer des résultats de ce programme de 2 milliards de dollars que Roosevelt avait soutenu pendant des années dans le plus grand secret.
Il ne semble pas avoir non plus pris en compte toutes les implications de l’utilisation de cette bombe, au premier rang desquelles la course à l’armement nucléaire avec l’URSS qui allait dominer les décennies suivantes.
« Ce dont les dirigeants américains ont débattu, parfois avec passion, étaient des questions sur +où, quand, comment+ utiliser la bombe », a écrit l’historien Sean Malloy. « Faudrait-il l’utiliser contre l’Allemagne ou le Japon? Quelles cibles choisir? Fallait-il avertir à l’avance? »
Après le 6 août 1945, Truman a longuement parlé du projet Manhattan, mais a à peine évoqué les victimes civiles. Quelques jours après, il a même parlé de Hiroshima comme d’une « base militaire », suscitant des interrogations sur le fait de savoir s’il avait pris conscience de l’ampleur des destructions.
La Maison Blanche a clairement indiqué que le président Obama n’entendait pas prendre part à un débat d’historiens et souhaitait d’abord offrir une vision « tournée vers l’avenir ».
Barack Obama aurait-il pris la même décision que Harry Truman en 1945?
« Je pense que le président dirait qu’il est difficile de se mettre à sa place », a répondu son porte-parole Josh Earnest.
« Il considère cependant que le président Truman a pris cette décision pour les bonnes raisons. Ce dernier était concentré sur la sécurité des Etats-Unis (…) et la nécessité de mettre fin à cette guerre horrible ».
AFP