L’abattage d’arbres a recommencé sur le site de construction du Barrage de Janneh selon de nouvelles photos diffusées sur les réseaux sociaux.
Dans ce contexte, le ministre de l’Environnement libanais, Mohammad Machnouk, a demandé d’arrêter les travaux et de transférer le dossier au Conseil des ministres pour une nouvelle décision, alors que le ministre de l’Agriculture, Akram Chehayyeb, a démenti avoir accordé les autorisations pour l’abattage d’arbres à Janneh.
Pour sa part, le Mouvement Ecologique Libanais a adressé une lettre ouverte au Premier ministre lui demandant « de sauver la vallée de Janneh-Nahr Ibrahim».
Pourquoi le barrage de Janneh est controversé?
En lisant les recherches de Dubertet 1951, la coulée de boue d’Akoura de 1929, en prenant en considération la nature des roches carbonatées, la friabilité karstique, les risques de fuites, la sédimentation des cours d’eau, la géologie des versants et surtout les réserves émises ciblant le manque d’études hydrogéologiques et géologiques du terrain, on peut bien se demander quelles considérations ont été prises en compte par les parties prenantes d’élaborer et soutenir un projet si complexe ayant tellement d’inconnues dangereuses.
En effet, de nombreux experts ont déjà braqué les projecteurs sur la dangerosité et les grands risques de cet ouvrage.
Le site Greenarea.me grâce à ses investigations auprès des chercheurs a pu mettre en en évidence la corrélation d’impacts environnementaux liés à la construction de l’édifice du Barrage de Janneh.
Ainsi, la construction de Janneh se fera sur un sol totalement instable, un bassin exerçant des pressions sur 15 failles sismiques dont si l’on en croit le chercheur du CNRS Mathieu DAERON, une réactivation du séquencement de séismes majeurs au Liban dans les toutes prochaines décennies. Ce qui pourrait s’avérer dévastatrice étant donné l’étude complémentaire de séisme maximum d’exploitation fournit par les constructeurs du barrage indiquant la potentialité d’un séisme d’une magnitude supérieur à 8.5 sur l’échelle de Richter avec un mouvement gravitationnel de 0.51G qui défierait toute réglementation internationale en terme de prévention des risques sismiques pour les constructions de superstructures.
En outre, la déforestation du site de Janneh conditionnerait une contribution complémentaire à l’aggravation du changement climatique au Liban. Ainsi, les climatologues du CNRS-L et plusieurs autres chercheurs l’ont bien démontré, le réchauffement de la région est indéniable et les phénomènes climatiques intenses ne vont qu’en s’aggravant.
Et en se référant aux données publiées par les universitaires climatologues de l’USJ, de l’Université Libanaise, du CNRS ainsi que du CDR dans le Plan Schéma Directeur d’Aménagement du Territoire, nous pouvons constater que la vallée de Janneh classée comme site remarquable fait partie des zones qui ne devraient pas être soumises à des impacts climatiques du fait de sa végétation dense constituant un élément moteur important dans le rôle de l’évapotranspiration et le cycle des pluies. Et d’après le CDR ceci en ferait d’ici 20 à 30 ans la seule zone au Liban qui ne subirait pas des risques de désertification.
Hors, 1000000 d’arbres coupés sur le site bouleversent ces pronostics pour au contraire aggraver les périodes de sécheresses et nous rapprocher du cas du barrage de Kouris à Chypre qui a connu des sécheresses importantes impliquant un stress hydrique correspondant à 95% de la capacité du barrage en moins.
De plus les études climatologiques publiées par Myriam TRABOULSI de l’université libanaise en Novembre 2014 démontrent une décroissance constante et une raréfaction des jours de pluies chaque année. Les mesures du CNRS démontrent que depuis 1971 la courbe des jours de pluie est passée de 250 jours à moins de 180 jours en 2010.
D’autre part le nombre de jours de fortes chaleurs ayant également une progression significative et constante de 1974 à 2006 portant jusqu’à 10 jours par an de canicule et grimpent en flèche depuis 2007 à plus de 60 jours par an. Cela entraînant de plus en plus des phénomènes météorologiques désastreux.
La conséquence directe est l’assèchement de sols et le déclenchement lors de pluies torrentielles d’évènements de coulées comme cette année à Akoura qui vont contribuer à changer la densité de l’eau du barrage, apporter une quantité de sédiments supérieure à celle qui est prévue engendrant des coûts d’exploitations très élevés. De plus, les phénomènes géologiques liés à ces brusques changements climatologiques peuvent entrainer des glissements de terrain important pouvant induire une rupture du bassin.
D’autre part la structure même du barrage repose sur un sol ayant une forte sismicité par ailleurs calculée par l’entreprise Artélia indiquant un séisme d’exploitation potentiel ayant un mouvement gravitationnel de 0.38G et un séisme maximal de 0.51G.
Même si au demeurant la structure du barrage étudiée serait capable de tenir lors d’un tremblement de terre extrême, il n’en demeure pas moins que ces chiffres dépassent toutes les recommandations internationales en termes de prévention des risques liés à la superstructure, que ce soit dans la réglementation américaine ou européenne EUROCODE 8 qui a été défini entre autre par le Comité des Grands Barrages Français.
En substance, les recommandations internationales interdisent purement et simplement la construction sur des failles actives ayant pour MCE et OBE les chiffres relatés sur le site de la société Artelia.
Les sols s’ouvriraient lors d’un tremblement de terre induisant un déplacement des fondations et une rupture des canalisations.
Hors étant donné les problématiques soulevés par les mouvements contestataires au barrage, il est important de notifier à nouveau que les études géologiques nécessaires qui avaient été demandée par la société SAFEGE n’ont pas été prises en considération, que la plupart des catastrophes ont eu lieu du fait du manque d’études préalables comme à CAMARA au Brésil ou encore en France au barrage de MALPASSET et tout récemment on a vu la même société ARTELIA confronté à un problème majeur sur le site de BALAA où ils n’avaient pas fait d’études suffisamment profonde dans les sols et qui a eu pour conséquence un arrêt de la construction du fait de la découverte de gouffre profonds qu’ils envisageaient de colmater.
Autant d’inconnus sur un site représentant un très grand nombre de défis scientifiques nécessitent irrémédiablement une prise en compte réelle et sérieuse des réalités géologiques, hydrologiques et climatologiques avant de continuer plus en avant vers ce qui se destine à être une catastrophe.