La résistance du parasite du paludisme au principal antipaludéen actuel se limite à l’Asie du sud est et ne touche pas l’Afrique sub-saharienne comme on le redoutait, selon la première carte mondiale de ce phénomène établie par un consortium international de recherche.

Cette toute première cartographie de la résistance du parasite Plasmodium falciparum à l’artémisinine, dernière classe de médicaments contre le paludisme mise sur le marché, constitue un pas important pour mieux combattre l’infection.

Elle permet une surveillance presque en temps réel de la propagation du parasite Plasmodium falciparum résistant à cette molécule. Il est ainsi possible de déterminer rapidement si le médicament sera ou non efficace, ce qui permet de recourir éventuellement à d’autres traitements, a expliqué à l’AFP Didier Ménard, responsable de recherche à l’Institut Pasteur.

Il est le principal auteur de ces travaux publiés dans la revue médicale américaine New England Journal of Medicine.

L’émergence en 2008 au Cambodge de souches de P. falciparum résistantes aux dérivés de l’artémisinine compromet gravement l’effort mondial de lutte contre le paludisme.

Cette maladie transmise par des moustiques a touché 214 millions de personnes en 2015 et fait 438.000 morts, surtout en Afrique subsaharienne chez les jeunes enfants.

L’étude dite « Karma » s’appuie sur la découverte en 2014 par des scientifiques de l’Institut Pasteur à Paris et au Cambodge d’un gène (K13) qui joue un rôle déterminant dans cette résistance.

Les chercheurs ont ensuite étudié la diversité de ce gène dans plus de 14.000 échantillons sanguins de patients infectés, qui provenaient de 59 pays où le paludisme est endémique: 72% venaient d’Afrique, 19% d’Asie, 8% d’Amérique latine et 1% d’Océanie.

Tous les échantillons ont été prélevés après 2012, ce qui permet d’avoir une bonne idée de la situation réelle de la résistance.

« Jusqu’à présent, les scientifiques ne disposaient pas d’outils capables de connaître précisément la nature de la résistance aux antipaludéens dans les principales régions affectées, comme l’Afrique subsaharienne », a souligné Didier Ménard, patron de l’unité d’épidémiologie moléculaire du paludisme à l’Institut Pasteur du Cambodge.

Selon lui, cette cartographie représente « une des avancées de santé publique majeures pour combattre le paludisme ». « Grâce aux marqueurs moléculaires, nous avons désormais la possibilité de tracer la résistance à l’échelle mondiale et quasiment en temps réel », ajoute-t-il.

Il est « impératif d’utiliser cette technologie pour prendre le parasite de vitesse et empêcher ce scénario tragique de se reproduire en Afrique », insiste-t-il.

Les résultats de l’étude sont d’autant plus importants que les parasites résistants à la chloroquine, la première génération de molécule antipaludéenne, ont aussi émergé en Asie du sud-est à la fin des années 1960.

Mais les marqueurs moléculaires pour détecter cette résistance ont été identifiés bien après la propagation de ces parasites en Afrique, ce qui a entraîné des millions de morts.

Alors que 103 mutations de la protéine K13 étaient déjà connues, dont quatre qui confèrent une résistance à l’artémisinine, l’étude a permis d’en identifier 70 nouvelles.

« Nous avons montré que seul un faible nombre de mutations sont liées à la résistance, ce qui devrait faciliter la surveillance de la résistance à l’artémisinine au niveau mondial », juge Odile Mercereau-Puijalon de l’Institut Pasteur à Paris.

L’étude a démontré « biologiquement que la mutation la plus fréquemment observée en Afrique ne se dissémine pas », ajoute-t-elle.

La découverte de deux foyers isolés de résistance dans des régions frontalières du Cambodge, du Vietnam et du Laos, ainsi que dans l’ouest de la Birmanie et le sud de la Thaïlande, suggère que les efforts internationaux pour contenir leur dissémination sont efficaces.

La stratégie actuelle pour traiter les malades infectés par des parasites résistants est de recourir à une combinaison de médicaments, surtout d’anciens antipaludéens qui sont efficaces pendant un certain temps, comme on fait avec les antibiotiques, a expliqué M. Ménard.

L’Organisation mondiale de la santé recommande aussi d’allonger la durée du traitement de trois à sept jours.

« Mais il s’agit d’une stratégie provisoire en attendant la commercialisation de nouvelles molécules, pas avant 2020 », a-t-il dit.

 

AFP

Publisher: Lebanese Company for Information & Studies
Editeur : Société Libanaise d'Information et d’Etudes
Rédacteur en chef : Hassan Moukalled


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