Près de trois ans après une hécatombe exceptionnelle d’abeilles, les apiculteurs des Pyrénées cherchent toujours à comprendre les raisons de ces pertes, estimant que les autorités n’ont pas pris la mesure de cette crise.

Au cours de l’hiver 2013-2014, une soixantaine d’apiculteurs de l’Ariège et des Pyrénées-Orientales essuient des pertes massives: entre 50 et 80% de leurs cheptels en quelques semaines.

Ce sont entre 3.500 et 5.000 ruches selon les sources qui sont brusquement vidées ou dépeuplées dans les vallées, un choc dans cette forte région apicole et une perte financière, le coût d’un essaim oscillant entre 120 et 150 euros.

A l’époque, certains syndicats apicoles s’émeuvent de la prise en compte tardive du problème par les autorités. A l’appel de la Confédération paysanne et de la Fédération française des apiculteurs professionnels (FFAP), une « transhumance » inédite de 200 essaims donnés par des apiculteurs de toute la France est organisée.

En mars 2015, les apiculteurs en combinaison blanche forment, sous une pluie battante, une chaîne dans un champ près de Fabas, se passant de main en main des ruches déchargées des camions.

« Dix apiculteurs ont reçu chacun dix essaims » en Ariège à l’issue de cette opération essentiellement symbolique, rappelle Christophe Michelotti, apiculteur à Contrazy et membre de l’association « Sol’Abeille », créée pour gérer ces dons.

Depuis, « on a bougé nos ruches, modifié nos schémas de transhumance », mais « l’hivernage 2014-2015 s’est aussi mal passé » et si 2015 a été une bonne année, « il y a certains endroits où des apiculteurs ont de nouveau perdu des ruchers entiers, les mêmes qui ont été touchés en 2013 ». « Il faut s’adapter en permanence, mais jusqu’où ? » s’interroge celui qui avait à l’époque perdu 85 colonies sur 160.

Ce type de mortalité fulgurante se produit régulièrement à travers la France depuis deux décennies. La filière alerte depuis des années sur un taux de mortalité annuelle accrue des abeilles, attribuée à des parasites, à la modification des habitats, ou encore aux pesticides comme les néonicotinoïdes dont l’usage est en débat au Parlement.

« On est dans la démarche de l’abeille-kleenex, avec beaucoup de mortalité et le syndrome de l’effondrement des colonies », déplore Jean-Philippe Antoine, de Prades (Pyrénées-Orientales), qui avait à l’époque perdu sur 6 mois 120 ruches sur 180. Il souligne aussi le manque d’indemnisation lors de cette crise.

« J’ai l’impression d’avoir un panier percé », soupire Sylvie Humbert, qui possède des ruches dans les vallées d’Auzat et de Vicdessos depuis 24 ans. 60% de ses ruches avaient disparu à l’hiver 2014-2015. « C’est pas toujours parfait du début jusqu’à la fin, c’est l’agriculture. Mais face à une toxicologie, on ne peut plus ».

Car selon les apiculteurs, l’épisode violent de 2013-2014 n’est pas isolé et était lié en particulier à l’utilisation d’anti-parasitaires sur les élevages avoisinants, dans ces zones de piémont exemptes de grandes cultures.

Pourtant, en novembre 2014, la préfecture de l’Ariège a publié les résultats d’une enquête ne « [permettant] pas, en l’état, de conclure à une origine commune et unifactorielle pour l’ensemble des départements touchés ».

Des « agents pathogènes » et « substances chimiques » sont mis en évidence – phytosanitaires, biocides d’élevage, mais aussi des produits de traitement apicoles – sans qu’une cause ne puisse être dégagée.

Dans la foulée, une étude est commandée auprès de l’Institut technique de la filière apicole, l’Itsap, pour étudier le lien entre l’usage de produits vétérinaires et la santé de l’abeille. Financée par le ministère de l’Agriculture, elle associe les éleveurs, l’Inra et l’Anses et doit livrer ses conclusions fin 2017.

« On ne montre pas les éleveurs du doigt, ils ont aussi un outil de travail à conserver », souligne Sylvie Humbert. « Il y a une bonne volonté de partout d’essayer de trouver le problème, avec le protocole de surveillance, mais il y a une inertie, une lenteur pas possible ».

« Ce qu’on attend, c’est la même chose depuis 15-20 ans, c’est-à-dire un peu de courage quant à un meilleur encadrement de la chimie utilisée en agriculture », abonde M. Michelotti. « Le climat on s’en débrouillera, mais la pression chimique sur le territoire, politiquement, il y a de quoi faire. »

 

AFP

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