Aggravés par le changement climatique, les feux de forêts ravagent les immenses espaces boisés de Russie sans que les autorités ne parviennent à prendre conscience de l’ampleur du problème, déplorent les militants écologistes.

Chaque été, des feux de forêts se déclenchent dans les vastes étendues de Sibérie mais les agences gouvernementales russes, en manque chronique de financements, ont de plus en plus de difficultés à les contenir.

Cette année, au moins onze personnes ont déjà péri en luttant contre ce fléau, tandis que près d’un million d’hectares de forêt était réduit en cendres, selon les données officielles.

Mais ces statistiques font l’objet d’âpres critiques de la part d’experts et militants écologistes, qui affirment que les images satellites montrent des dégâts dix fois supérieurs à ce que prétend le gouvernement.

« Près de sept millions d’hectares ont déjà brûlé, c’est plus que la moyenne » annuelle, affirme Grigori Kouksine, qui dirige le programme de prévention des feux de forêts de l’ONG Greenpeace Russie.

« Partout c’est le même scénario: un petit feu de forêt est ignoré et il devient vite hors de contrôle », explique-t-il, estimant que le système de protection gouvernemental ne reçoit que 10% de ses besoins en financement.

« Dans certaines régions, les gens refusent de travailler parce qu’ils n’ont pas encore été payés pour la lutte contre les feux de forêt de l’année dernière », affirme M. Kouksine.

Les autorités accusent de leur côté Greenpeace d’exagérer le problème, tout en reconnaissant que le changement climatique a aggravé une situation déjà problématique.

Un climat plus sec a provoqué des orages moins pluvieux et le début de feux de forêts dans certaines zones reculées, selon le service russe de protection aérienne des forêts, qui compte près de 3.500 pompiers-parachutistes entraînés à la lutte anti-incendies.

« Le nombre d’orages secs est en hausse depuis dix ans. Cette année, c’est dix fois plus que l’année dernière », a reconnu lors d’une conférence de presse le directeur du service Vladimir Grichine.

Pour le directeur de l’agence de protection des forêts Ivan Valentik, les feux de forêt ne menaçant pas la population doivent être seulement surveillés, et non pas éteints.

« Pas un seul pays au monde ne veut ou ne peut arrêter les feux de forêt d’origine naturelle qui ne représentent pas une menace pour les villes ou les infrastructures économiques », a-t-il assuré. « Il n’y a aucune raison de s’en occuper. »

Certains experts affirment pourtant que la Russie est train de perdre son patrimoine forestier, en particulier dans le nord de la Sibérie, où les feux brûlent des arbres aux racines peu profondes, ce qui signifie qu’ils ne pourront plus repousser pendant plusieurs siècles.

Les scientifiques appellent ce phénomène la « désertification verte », explique Anatoli Chvidenko, qui a passé de nombreuses années au sein du système de protection des forêts du temps de l’Union soviétique et qui a participé à la rédaction de trois rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

« Trois millions d’hectares de forêt meurent en moyenne chaque année et 90% d’entre eux en raison des feux », souligne-t-il. « C’est quatre à cinq fois plus que ce qu’affirment les autorités. »

Les scientifiques ont tiré la sonnette d’alarme concernant la survie des forêts boréales de la planète, aussi appelées taïga, qui recouvrent l’hémisphère nord, principalement au Canada et en Russie, où elles constituent 90% de tout le couvert forestier.

En Russie, 43 millions d’hectares de forêt sous la protection de l’agence forestière ont été perdus entre 2000 et 2011, principalement dans le Grand Nord du pays.

Ce phénomène, combiné à l’augmentation des feux de forêt, pourrait altérer le rôle de la Russie comme puits de carbone, alors qu’elle est actuellement le second puits le plus important au monde, après les forêts tropicales: les forêts russes absorbent actuellement près de 500 millions de tonnes de carbone net par an et ce malgré les quelque 130 millions de tonnes de carbone émis par les feux.

Si la situation ne change pas, « les risques de feux de forêt et les émissions de carbone vont doubler ou tripler d’ici la fin du siècle », s’inquiète le scientifique.

Pour Grigori Kouksine de Greenpeace, si des étés plus chauds et plus secs ont allongé la saison des feux de forêt en Russie, 99% d’entre eux restent causés par l’activité humaine.

« Si les autorités se mettent enfin à réagir à temps aux petits feux de forêt, tout ira bien », assure-t-il.

 

AFP

 

Publisher: Lebanese Company for Information & Studies
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