Le Parlement a adopté définitivement, par un ultime vote de l’Assemblée, le projet de loi de «reconquête de la biodiversité » qui aura survécu à plus de deux ans d’un parcours législatif chahuté et à un lobbying intense.
Lors de cette quatrième et dernière lecture, toute la gauche a voté pour, la droite contre. Le groupe LR, dénonçant « une écologie punitive », a annoncé son intention de saisir le Conseil constitutionnel.
« Malgré les pressions, malgré les tentatives de raboter le texte, les objectifs ont été maintenus », s’est félicitée la secrétaire d’Etat à la Biodiversité Barbara Pompili, qui a pris le dossier lors de son entrée au gouvernement en février.
Annoncé par François Hollande en 2012, ce projet de loi, très attendu par les écologistes et les associations de protection de la nature, n’a été présenté qu’au printemps 2014 et n’est arrivé qu’un an plus tard dans l’hémicycle.
La dernière loi sur ce thème, qui datait de 1976, avait notamment instauré les réserves naturelles et les études d’impact.
L’une des mesures phares de ce texte riche de 174 articles est la création d’une Agence française de la biodiversité (AFB) regroupant 1.200 agents de quatre organismes existants.
« L’AFB sera un interlocuteur identifiable pour aider les aménageurs à connaître leurs obligations en matière de biodiversité », selon Mme Pompili.
Le texte inscrit plusieurs principes dans le code de l’environnement, comme celui de « non-régression de la protection de l’environnement » ou celui « d’absence de perte nette de biodiversité » qui devront pris être en compte par les décideurs dans leurs projets.
A l’initiative du Sénat, le texte prévoit l’inscription du préjudice écologique dans le code civil, selon le principe du « pollueur-payeur », dans le sillage de la jurisprudence née de la catastrophe du pétrolier Erika de Total en 1999.
Jusqu’au bout, le dernier débat a porté autour de l’interdiction des insecticides de la famille des néonicotinoïdes, utilisés dans l’agriculture et considérés comme tueurs d’abeilles.
Cette question, été intégrée à l’Assemblée au cours du débat parlementaire par certains députés de gauche avec une forte mobilisation de l’opinion, a été vivement combattue par certains agriculteurs (céréaliers et betteraviers) et industriels tout au long du parcours législatif.
Au fil des débats, le Sénat et la droite, initialement opposés à toute date d’interdiction, s’étaient ralliés à une interdiction en 2020 ou 2021.
Mais les députés ont finalement maintenu mercredi une date d’interdiction en 2018 avec des dérogations possibles jusque 2020 là où il n’y a pas de produits ou de méthodes de substitution disponibles.
Si le temps législatif a été aussi long sur ce texte, c’est aussi dû au « rôle des lobbies, en particulier des chasseurs, et leur collusion avec des députés de droite et de gauche », selon le président de la commission de développement durable Jean-Paul Chanteguet (PS). Plusieurs fois, la rapporteure Geneviève Gaillard (PS), a dit avoir eu l’impression d’assister à « un débat sur une loi chasse et non biodiversité ».
« Le lobby de la chasse a été puissant à l’Assemblée et au Sénat », a déploré auprès de journalistes Mme Pompili, qui « regrette » notamment que l’AFB n’intègre pas l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).
Un autre lobby inattendu s’est manifesté: l’Indonésie, qui a mis selon Mme Pompili « une pression d’enfer » pour obtenir le retrait d’une mesure du texte, la surtaxation de l’huile de palme, dont ce pays est le premier producteur mondial, pour lutter contre la déforestation.
Si le gouvernement a fini par céder face aux menaces de représailles commerciales, Mme Pompili a relativisé cet abandon, en soulignant que « l’objectif d’une certification durable des huiles de palme est maintenu ».
Après l’adoption de cette loi, Mme Pompili veut entamer « un travail pédagogique auprès de la population sur l’importance de la biodiversité » qui se dégrade année après année, qu’il s’agisse de l’évolution des espèces ou de l’état des habitats et milieux naturels.
« On a beaucoup de retard dans la prise de conscience de l’enjeu de la biodiversité. C’est un terme encore flou pour beaucoup de gens pour qui ça ne doit pas empêcher de faire des routes », souligne-t-elle.
AFP