Vingt ans après la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées, ça gronde toujours entre les opposants réclamant l’arrêt définitif du programme et ses partisans qui réclament de nouveaux lâchers.

De mai 1996 à mai 1997, Ziva, Melba et Pyros, trois ours slovènes, avaient été lâchés à Melles (Hautes-Garonne). A l’époque, il « restait 5 à 6 plantigrades » dans le massif, se souvient Alain Reynes, directeur de l’association du Pays de l’ours-Adet à Arbas (Haute-Garonne).

En 2006, deux ans après la mort de Cannelle, dernière représentante de l’ourse de souche des Pyrénées, tuée par un chasseur en Pyrénées-Atlantiques, l’opération s’était poursuivie avec Palouma, Franska, Hvla, Balou et Sarousse à Burgalays (Haute-Garonne), Bagnères-de Bigorre (Hautes-Pyrénées) et Arbas.

Résultat, à la fin 2015, le dernier recensement certifié fait état de 29 « individus différents », 27 dans les Pyrénées centrales et deux mâles dans les Pyrénées occidentales.

Depuis janvier 2016, sept oursons ont été détectés, mais ils doivent encore être officialisés. Et c’est sans compter Goiat, l’ours lâché en Espagne en juin qui passe régulièrement la frontière.

Toujours est-il que la population ursine reste « insuffisante pour assurer sa pérennité », constate M. Reynes, précisant que, dans l’idéal, pour tout le massif, il en faudrait « 17, dont 14 femelles » supplémentaires.

Après une période de vives contestations, ces dernières années, l’opposition au plantigrade, omnivore opportuniste, pesant jusqu’à 250 kilos et mesurant jusqu’à 2 mètres dressés sur ses pattes arrières, s’était apaisée.

Mais début juillet, la réunion à la préfecture de Toulouse du Comité de Massif devant choisir entre un plan de lâchers (fort ou limité) et un arrêt pur et simple de la réintroduction a démontré que les adversaires de l’ours ne désarmaient pas.

Quelque 250 personnes ont manifesté même si le comité, dont l’avis est consultatif, n’est pas parvenu à se prononcer: 15 voix pour chaque camp.

Pour les militants pro-ours, ce résultat est « un succès ». « Auparavant nous étions largement minoritaires », souligne M. Reynes, rappelant que la réintroduction s’inscrit dans le cadre de la Directive européenne Habitat Faune-Flore de 1992.

« S’ils veulent la guerre, ils l’auront », prévient le président PS du conseil départemental de l’Ariège Henri Nayrou, l’un des plus ardents opposants, réfutant l’impact de l’UE: « L’Europe a d’autres chats à fouetter que l’ours », assure-t-il.

Simultanément, des attaques présumées de l’ours sur des estives en Hautes-Pyrénées, dont le dérochement récent de 125 brebis attribué implicitement par le président du Parc des Pyrénées à Cannellito, ont ravivé la polémique.

Pour les partisans de l’ours, « défenseurs de la biodiversité », le plantigrade reste cependant « le bouc émissaire », dixit Sabine Matraire, vice-présidente de l’association Férus.

« C’est un argument pour obtenir des aides subventions », affirme M. Reynes, rappelant que l’ours est « la seule cause de mortalité indemnisée systématiquement, même au bénéfice du doute ».

La commission d’indemnisation des dégâts des ours s’est d’ailleurs prononcée le 19 juillet favorablement pour indemniser des éleveurs même si la responsabilité de l’ours n’est pas « clairement établie ».

Pour ces militants, sondages à l’appui, le plantigrade bénéficie de l’accord de la population. Surtout, il ne causerait que des dégâts limités. A ce titre, ils brandissent moult études témoignant de son impact réduit sur la mortalité ovine ou sur la réussite de la protection des troupeaux avec des chiens des Pyrénées,les patous.

L’ours « soutient le pastoralisme et ne l’impacte pas », affirme M. Reynes, rappelant le plan montagne (2007-2013) de 48,5 M. EUR créé pour « favoriser la cohabitation ».

Les opposants contestent arguments et chiffres. « L’ours met en péril l’activité pastorale. Des éleveurs abandonnent », assure Roger Servat, l’un des trois coprésidents de l’association pour la protection du patrimoine d’Ariège Pyrénées (ASPAP).

« La cohabitation est impossible. Là où il y des ours, il n’y a plus d’activité économique », complète Bruno Besche, porte-parole de l’association pour le développement durable de l’identité des Pyrénées (ADDIP).

Reprendre les lâchers ou non ? La ministre de l’Environnement Ségolène Royal doit se prononcer prochainement. Les pro-ours, dont elle avait provoqué l’ire, en refusant un lâcher en 2014 puis en 2015 en repoussant d’un an l’étude du dossier, s’impatientent. « C’est un problème pour le pastoralisme », avait-elle estimé.

 

AFP

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