Ils ont survécu aux guerres civiles et à l’épidémie d’Ebola dans leur pays mais ils capitulent face à l’océan: des milliers d’habitants de West Point, à Monrovia, doivent quitter leur bidonville, le plus grand du Liberia, face à la montée des eaux.

Entre 75.000 et 90.000 personnes vivent dans ce quartier de l’ouest de la capitale libérienne, sur une péninsule qui s’avance dans l’Atlantique, dans un labyrinthe d’étroites ruelles boueuses serpentant entre des maisons de plain-pied aux toits de tôle.

Ce sont des pêcheurs, des commerçants, des « débrouillards » aux nombreux petits métiers, de petits trafiquants et de grands bandits. Pour certains, d’anciens combattants des guerres civiles (1989-2003, 250.000 morts). Une population parmi les plus défavorisées dans ce pays de 4,3 millions d’habitants harassés par la pauvreté.

Cecelia Nimley, 56 ans, a longtemps vécu à West Point d’où elle a été contrainte de partir après que des vagues géantes eurent envahi sa maison et emporté ses biens.

C’est arrivé « à deux heures du matin, pendant qu’on dormait », raconte-t-elle à l’AFP. « La lame de fond a balayé les affaires (…). J’ai envoyé mes petits-enfants chez des amis et les plus grands se débrouillent comme ils peuvent ».

Selon les autorités locales, les maisons de West Point ont commencé à disparaître sous les eaux à partir de novembre 2014. Au moins 4.000 habitants ont été privés de leur domicile pour le seul mois d’avril et les familles sont en train d’être réinstallées sur des sites provisoires plus à l’intérieur des terres.

Cela fait plusieurs années que des spécialistes mettent en garde contre les menaces que font courir les tempêtes et les montées des eaux sur un certain nombre de villes dans les pays en développement, dont Monrovia.

Masures, cabanes, logements et échoppes faits de matériaux récupérés s’empilent à West Point, sur 4 km2, pour beaucoup sans les commodités minimales imposées par les règles de l’urbanisation : branchements individuels aux réseaux de distribution d’eau potable, d’électricité, toilettes, assainissement.

Des déchets humains et des ordures ménagères se retrouvent parfois en plein air, que charrient les eaux peinant à s’écouler après les fortes pluies ou les vagues baladeuses.

« Concernant l’eau, celle des puits devient salée et nous ne pouvons plus l’utiliser pour la boire ou cuisiner », affirme Amie Myers, 33 ans, mère de six enfants.

En mai, la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf a rendu visite aux sinistrés de West Point, qui avaient déjà réchappé à une flambée de violences et à un placement en quarantaine en 2014, au plus fort de l’épidémie d’Ebola au Liberia, alors le pays plus touché par le virus en Afrique de l’Ouest.

En août 2014, des jeunes de West Point armés de couteaux et de gourdins avaient attaqué un centre d’isolement pour malades victimes d’Ebola, d’où avaient fui des patients en emportant des draps et des matelas souillés, augmentant les risques de contamination.

En réaction, le 20 août, le gouvernement avait placé en quarantaine tout le bidonville, encerclé par un cordon de militaires et de policiers lourdement armés. Une émeute avait rapidement éclaté, avec jets de pierres et tirs de soldats. Un adolescent a succombé à ses blessures. Dix jours plus tard, la mesure de quarantaine avait été levée.

Bendu Quaye, 27 ans, dont le mari est mort d’Ebola, fait partie des bénéficiaires des logements provisoires – du préfabriqué installé à la hâte sur des parcelles de terrain loin de la mer – après avoir été hébergée avec ses cinq enfants pendant plusieurs mois dans le studio d’une amie mariée.

« Je dormais par terre, à côté du lit, avec mes enfants. Quand mon mari rentrait du travail tard le soir pendant que je dormais, je devais prendre mes affaires et quitter la chambre pour lui permettre de se déshabiller et de prendre sa douche », se souvient-elle.

Actuellement, au moins 3.000 habitants sont dans « une situation très grave » et ont besoin d’une aide immédiate, déclare Sampson J. Nyan, préfet chargé du bidonville.

D’après lui, il faudrait 1,5 million de dollars (près de 1,34 million d’euros) pour la construction de logements permanents pour les déplacés de West Point. Une somme énorme pour le maigre budget du Liberia.

Outre ces difficultés de financement, des habitants craignent que des problèmes fonciers n’entravent leur déplacement.

Demore Moore, président d’une association de victimes de la montée des eaux, presse les autorités d’accélérer la construction de logements sécurisés car, soutient-il, « la seule solution, c’est la délocalisation, sinon la totalité du quartier sera emportée par la mer ».

 

AFP-  Zoom DOSSO

Publisher: Lebanese Company for Information & Studies
Editeur : Société Libanaise d'Information et d’Etudes
Rédacteur en chef : Hassan Moukalled


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