Sable, graviers, galets… Au sud de Vientiane, le Mékong est pillé pour alimenter en matériaux les immenses chantiers chinois. Une exploitation non encadrée qui affecte la vie des Laotiens, déjà en proie à la pauvreté, et à de graves répercussions écologiques.

Partout autour de la planète, sur les plages comme dans les rivières, légalement ou illégalement, le sable est ponctionné. Et en Asie, l’extraction se fait à une échelle colossale, notamment pour répondre aux appétits de construction du géant chinois et de Singapour.

Aujourd’hui, le sable est la deuxième ressource naturelle la plus consommée dans le monde après l’eau, avec 30 milliards de tonnes utilisées tous les ans. Et la Chine s’arroge 60% de ce total, d’après les données de l’Institut américain de géophysique (USGS).

Jusqu’ici, le Laos avait été plutôt épargné. Mais c’est désormais de l’histoire ancienne. A quelques kilomètres de Vientiane, la capitale, le Mékong marque la frontière entre ce petit Etat communiste fermé et la Thaïlande. De longs tuyaux plantés au fond du fleuve, reliés à des pompes, et des pelleteuses suffisent à amasser en quelques minutes de hautes piles de sable sur les berges.

D’autres canalisations charrient, dans un bruit assourdissant, des tonnes de galets de la taille d’un poing que des dizaines de travailleurs s’empressent de trier et de placer dans de grands sacs. A proximité, les camions attendent leur chargement et font des allers-retours avec le lieu du stockage.

Indispensable à l’industrie, le sable est présent dans quantité de produits : verre, papier, puces électroniques ou plastique. Mais surtout, il représente 80% de la composition du béton.

En contrebas de l’exploitation, près des rives, le Mékong est peu profond et les paysans du coin viennent y pêcher pour se nourrir. De l’eau jusqu’à mi-cuisses, ils plongent de grands filets dans le fleuve.

« La rivière a beaucoup changé. Ici, les berges s’effondrent. Cela n’arrivait pas avant », explique l’un des pêcheurs, qui a préféré garder l’anonymat.

« Cela nous oblige à aller plus loin pour pêcher. Ce n’est pas bon pour nous », ajoute-t-il en tirant son filet, dans lequel se débat un minuscule poisson.

« Aujourd’hui, c’est plus compliqué pour nous d’aller chercher de l’eau pour les cultures. Mais nous avons besoin de cette eau », renchérit Deaun Saengarun, 36 ans, qui transpire à grosses gouttes en triant les galets du fleuve qu’elle place dans des sacs de jute blancs.

Cette mère de deux enfants fait pousser quelques légumes sur les berges du fleuve et travaille dans l’exploitation pour une dizaine d’euros par jour.

« Il y a de plus en plus de compagnies dans le coin. Nous avons maintenant beaucoup de clients chinois. Ils construisent d’immenses immeubles dans Vientiane, alors ils ont besoin de beaucoup de sable et de galets », explique Air Phangnalay, 44 ans, à la tête avec son neveu d’une exploitation en pleine croissance.

Bruit, modification des berges du Mékong… l’entrepreneur reconnaît que cette activité a des conséquences.

L’extraction du sable et des galets modifie les paramètres du fleuve : les courants, le niveau des nappes phréatiques, la profondeur, la largeur des berges, expliquent les experts.

Le gouvernement laotien reconnaît laconiquement que «l’extraction du sable du Mékong affecte la structure du fleuve et son écosystème ».

Mais le gouvernement n’a pas de chiffres sur les quantités extraites tous les ans au Laos. D’ailleurs, les compagnies n’ont pas de quotas, explique Air Phangnalay.

« En amont du Mékong, l’exploitation du sable n’est pas durable et a de lourdes conséquences pour le delta », déplore Marc Goichot, responsable du dossier eau pour l’association World Wildlife Fund (WWF) dans le Grand Mékong.

Le fleuve produit autour de 20 millions de tonnes de sédiments par an, mais 50 millions en sont extraits dans le même temps, d’après les dernières études.

« C’est pourtant un processus clé », explique-t-il. Le fleuve a besoin que le sable soit transporté de l’amont vers l’aval pour que le delta puisse lutter contre la salinisation et l’avancée de la mer dans cette zone cruciale pour l’agriculture.

Et tout cela est aggravé par la construction de barrages sur le Mékong, qui bloquent les sédiments.

« Dès que vous modifiez l’équilibre d’un fleuve, le processus d’érosion s’engage et il faut des dizaines d’années pour inverser le processus même si vous stoppez l’exploitation », explique Pascal Peduzzi, du Programme des Nations unies pour l’environnement.

« Le problème est que l’on a longtemps cru que le sable était une denrée inépuisable… Ces quatre dernières années, la Chine a consommé ce que les Etats-Unis ont consommé en 100 ans », résume le chercheur.

Et la frénésie immobilière de la Chine ne s’arrête pas à ses frontières : c’est le premier investisseur étranger au Laos. Hôtels, complexe immobilier… dans Vientiane, tous les grands chantiers en cours sont dirigés par des entreprises chinoises.

 

AFP

 

Publisher: Lebanese Company for Information & Studies
Editeur : Société Libanaise d'Information et d’Etudes
Rédacteur en chef : Hassan Moukalled


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