Les médecins du CHU de Nantes, confrontés à des difficultés d’approvisionnement, ont remplacé le traitement de plusieurs patients, dont trois ont trouvé la mort.
Le pôle santé publique du parquet de Paris a ouvert vendredi une enquête préliminaire après la mort presque simultanée au CHU de Nantes de trois patients atteints d’un cancer et traités par chimiothérapie avec un médicament de remplacement. Atteints de lymphome, les trois patients, décédés entre le 10 et le 13 novembre, étaient âgés de 61 à 65 ans. Un quatrième patient ayant suivi le même traitement est toujours hospitalisé. Les traitements avec le nouveau médicament avaient débuté fin octobre, avec des complications graves observées une douzaine de jours après.
L’enquête du pôle santé publique est ouverte pour « homicides involontaires et blessures involontaires avec ITT supérieure à trois mois ». Une enquête administrative avait déjà été ouverte jeudi par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), saisie par le ministère de la Santé. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a elle aussi lancé une enquête sur les produits utilisés dans ces chimiothérapies. Une équipe de l’ANSM est arrivée vendredi matin au CHU de Nantes.
Dans le cadre de leur cure de chimiothérapie intensive, les quatre patients ont reçu un traitement « comprenant le médicament cyclophosphamide en remplacement du médicament melphalan généralement utilisé », avait annoncé jeudi soir le ministère de la Santé. Mais, « à ce stade, rien ne permet d’accuser la cyclophosphamide, traitement validé par la communauté médicale et utilisé depuis des années », a déclaré la ministre de la Santé Marisol Touraine, vendredi, devant le Sénat.
Des problèmes d’approvisionnement
« Le spectre des causes potentielles est large », a-t-elle ajouté, en citant comme causes possibles « médicament, protocole, mode d’administration… ». L’Igas doit déterminer « les causes exactes des complications graves » survenues et examiner « l’organisation, les moyens et les conditions de réalisation des chimiothérapies », selon le ministère.
La décision des médecins du CHU d’utiliser la cyclophosphamide plutôt que le melphalan, habituellement utilisé pour ce type de malades, a été motivée « par les tensions d’approvisionnement européennes sur le melphalan et leur choix de réserver les lots dont ils disposaient au traitement des patients atteints de myélome, indication pour laquelle il n’y a pas d’alternative », a expliqué le ministère.
Selon une source syndicale, des alertes ont été lancées depuis juin sur les difficultés d’approvisionnement du melphalan. L’ANSM a précisé que le phénomène des tensions d’approvisionnement et de ruptures de stocks est « assez récurrent, pas nouveau » et « pas spécifique à la cancérologie ». Un courrier de septembre de HAC Pharma, fabricant de melphalan, indiquait que, depuis février, l’approvisionnement de ce produit « reste contingenté (…) aux seuls traitements des patients pour lesquels il n’y aurait pas de solution alternative et sans possibilité de les différer ».
Le traitement par cyclophosphamide, a souligné le ministère, « est validé par la communauté médicale » et a été « utilisé pendant des années pour la prise en charge des lymphomes ». « Il est utilisé par d’autres établissements en France, dans le même contexte, sans que de telles complications aient été rapportées », a-t-il noté. Ce traitement est développé par le groupe pharmaceutique américain Baxter sous le nom d’Endoxan.
Premières conclusions sous 7 jours
Baxter a dit avoir fourni des renseignements. « On verra l’issue » des enquêtes de l’Igas et de l’ANSM, a déclaré une porte-parole, précisant que trois produits d’autres laboratoires pharmaceutiques faisaient partie du protocole de chimiothérapie. Elle a aussi rappelé que l’Endoxan, mis sur le marché en France depuis 1994, est utilisé couramment dans les hôpitaux. Mais « la succession de cas » intervenus à Nantes a conduit le ministère à saisir l’Igas pour qu’elle enquête sur les causes de ces complications. Les premières conclusions sont attendues sous sept jours.
Selon Benoît Vallet, directeur général de la santé, l’Endoxan est « connu pour donner des complications cardiaques, très rares, mais répertoriées ». Ce médicament a donné pour trois patients « un effet cardiaque intense, conduisant aux décès ». « La séquence de trois patients qui décèdent en quelques jours (…) nous amène effectivement à penser que nous sommes dans une situation pas habituelle », a-t-il dit sur France Inter.
Déplorant un « problème de santé publique », Vincent Mével, délégué CFDT au CHU, a espéré « qu’avec cette enquête, on puisse avancer sur ces questions d’accessibilité » des médicaments.
(Avec AFP)