Une bonne espérance de vie et une facture raisonnable : malgré ces résultats positifs, le système français connaît des faiblesses, sur la prévention notamment.
NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ EST L’UN DES MEILLEURS DU MONDE. Le 23 novembre, l’OCDE a dévoilé son étude sur la qualité des soins en Europe, et, une fois de plus, la France décroche le haut du classement. Avec une espérance de vie de 82,8 ans, elle est le quatrième pays où l’on vit le plus longtemps, derrière l’Espagne, la Suisse et l’Italie, mais nettement au-dessus de la moyenne européenne, de 80,9 ans. Dans la catégorie « longévité après 65 ans », elle est même championne, avec 24 ans pour les femmes et 19,7 ans pour les hommes. « La France affiche le plus faible taux de décès prématurés, ceux qui peuvent être évités par des interventions appropriées », salue Gaétan Lafortune, spécialiste de la santé à l’OCDE. La mortalité liée aux accidents vasculaires cérébraux ou aux maladies cardiaques est ainsi la plus basse d’Europe.
Financement à crédit
Certes, la santé a un coût. La France y consacre, chaque année, 11% de sa richesse nationale, contre 9,9% en moyenne dans l’Union européenne. Mais la facture n’est pas si élevée au regard du nombre d’habitants: la dépense par tête représente 3.342 euros, contre 4.003 en Allemagne, et elle progresse à un rythme de 0,8% par an depuis 2009, deux fois moins vite qu’outre-Rhin. Entre la Sécurité sociale et les assurances complémentaires, les patients français sont les mieux remboursés du monde, avec seulement 7% des soins payés de leur poche, contre 20%, en moyenne, dans les pays riches. Point noir: cette générosité est largement financée à crédit, puisque l’assurance-maladie enchaîne les déficits depuis trente ans. Quant aux malades sans mutuelle, ils renoncent en grande partie aux soins dentaires et optiques.
Les Français tiennent plus que jamais à leur modèle: 76% d’entre eux jugent que sa préservation doit être une priorité du prochain président, selon un sondage Odoxa. Il n’y a pourtant aucune raison de s’endormir sur nos lauriers. La longévité des hommes demeure inférieure de 6,5 ans à celle des femmes, et l’espérance de vie en bonne santé avoisine les 64 ans, loin derrière le record de la Suède, de 73,6 ans. « Notre pays souffre des écarts de mortalité entre travailleurs manuels et non manuels, parmi les plus élevés d’Europe, ajoute l’économiste Brigitte Dormont. La faible implantation des médecins généralistes dans certaines zones limite l’accès des populations pauvres aux soins et aux examens de dépistage. »
Vaccination urgente
Et la France accuse un sérieux retard dans la prévention. Elle y accorde à peine 1,9% de son budget santé, soit plus d’un tiers de moins que la moyenne européenne et deux fois moins que le Royaume-Uni ou l’Italie. Résultat: les Français continuent de boire de l’alcool et de fumer plus que leurs voisins. Quant aux jeunes de moins de 15 ans, ils pratiquent moins de sport. Enfin, les taux de vaccination des enfants contre la rougeole et des seniors contre la grippe sont aussi bien plus faibles que dans les autres pays européens. Autant de maux à traiter d’urgence.
LE BILAN SARKOZY 2007-2012 L’hôpital à moitié dégrippé
Faire des directeurs d’hôpitaux de « vrais patrons ». C’était la promesse de la loi portée, en 2009, par la ministre de la Santé Roselyne Bachelot. Le bilan est plus que mitigé : les établissements de santé sont encore pilotés par un binôme – le directeur administratif et le médecin présidant la commission médicale -, et la voix des élus locaux pèse toujours lourd dans les conseils d’administration. Quant aux nouvelles agences régionales de santé, leur fonctionnement est jugé très bureaucratique. Côté budgétaire, Nicolas Sarkozy a serré la vis aux hôpitaux. La tarification à l’activité a remplacé les enveloppes fixes, ce qui a révolutionné leur fonctionnement. Avec le risque de les pousser à multiplier les opérations les mieux rémunérées au détriment d’autres prestations, telles la psychiatrie ou la prévention. Face aux médecins, Roselyne Bachelot a renoncé à user de la manière forte. L’idée de sanctionner financièrement ceux qui s’implantaient dans des zones surmédicalisées, pour les inciter à aller dans les « déserts médicaux », a été abandonnée. Et l’envolée des dépassements d’honoraires n’a pu être stoppée. Point positif : des primes à la qualité des soins et au suivi des maladies lourdes ont été instaurées, à côté du paiement à la consultation. Après le scandale du Mediator, le ministre Xavier Bertrand s’est attaqué, lui, aux conflits d’intérêts entre médecins et labos pharmaceutiques. Mais sa loi contient des « failles majeures », selon la Cour des comptes, qui vient de l’évaluer.
LE BILAN HOLLANDE 2012-2016 Un sauvetage très virtuel
Si la ministre de la Santé Marisol Touraine se vante d’avoir « sauvé la Sécu », ce n’est pas grâce aux comptes de l’assurance-maladie. Le déficit est prévu à 2,6 milliards l’an prochain et, à en croire la Cour des comptes, le retour à l’équilibre n’est pas pour demain. « La maîtrise des dépenses d’assurance-maladie reste encore trop imparfaitement assurée », alertait fin septembre Didier Migaud, son président. Il pointe, en particulier, deux bombes à retardement de fin de quinquennat : les augmentations salariales des fonctionnaires des hôpitaux (750 millions) et la hausse de 2 euros de la consultation des généralistes (445 millions). Certes, la gauche affiche quelques réformes – ses « avancées sociales ». Notamment la généralisation du tiers payant, qui doit éviter aux patients d’avancer les frais de santé avant d’être remboursés. Sur le papier, la mesure diminuerait le renoncement aux soins d’une partie de la population. Dans les faits, son entrée en vigueur est repoussée après la présidentielle, et le Conseil constitutionnel l’a censurée pour les remboursements des mutuelles, ce qui en limite la portée. Parmi les autres mesures, la généralisation des assurances complémentaires à tous les salariés, la création des class actions,l’introduction du paquet de cigarettes neutre ou l’encadrement des dépassements d’honoraires. Concernant les « déserts médicaux », peu d’actions concrètes ont été lancées, et la coordination des soins entre médecins de ville et hôpitaux reste largement en chantier.
UNE BONNE PISTE L’Australie « étouffe » les fumeurs
Le pays continent a déclaré une véritable guerre au tabac, qui tue encore quelque 15 000 personnes par an dans ce pays. Hausse continue du prix des paquets, restriction des achats de cartouches en duty free dans les aéroports, campagnes de prévention chocs. Le gouvernement déploie les grands moyens pour dégoûter les fumeurs les plus accros. En 2012, le pays a été le premier à introduire le paquet neutre, d’une couleur kaki uniforme quelle que soit la marque, agrémenté d’images trash de malades du tabac. Et, n’en déplaise aux industriels du secteur, ça marche ! La part des fumeurs quotidiens a été divisée par deux en vingt ans pour descendre à 13% de la population (contre 22% en France). L’âge de la première cigarette a aussi reculé depuis trois ans, et la proportion de jeunes n’ayant jamais fumé est passée de 72 à 77%.