L’État est sur le point de lancer son propre service de prise de rendez-vous médical
La Régie de l’assurance maladie du Québec procède à des vérifications sur la légalité des frais facturés par Bonjour-santé, une entreprise qui permet aux patients de dénicher un rendez-vous rapidement avec un médecin contre un paiement de quinze dollars, alors que Québec s’apprête à lancer un service semblable, entièrement public.
La RAMQ procède à des « vérifications complémentaires » auprès de cette entreprise, qui existe depuis quelques années. « Si les frais exigés par Bonjour-santé sont des frais qui permettent à une personne d’obtenir un rendez-vous avec un médecin, cela serait interdit », a indiqué la porte-parole de la RAMQ Caroline Dupont lorsque Le Devoir a demandé à l’organisme si les frais facturés par Bonjour-santé étaient des frais accessoires. Rappelons que les frais accessoires sont interdits depuis le 26 janvier dernier.
Ce n’est toutefois pas en vertu de l’abolition des frais accessoires que la RAMQ procède à ces « vérifications », précise-t-elle, mais plutôt en vertu de la Loi sur l’assurance maladie qui interdit de rendre l’accès à un service assuré conditionnel à un paiement, ou de procurer un « accès privilégié » moyennant paiement.
Le président de Bonjour-santé, Benoit Brunel, défend bec et ongles la légalité de son service. « Ce qu’on offre, c’est un service de recherche de rendez-vous, pas la vente de rendez-vous », soutient-il. « Mon modèle d’affaires est tout à fait correct. »
Il prend à témoin une entrevue accordée par le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, à Paul Arcand cet automne, après l’annonce de l’abolition des frais accessoires. « C’est un commerce en dehors du système de santé, ce n’est pas un service assuré », avait affirmé M. Barrette à propos des systèmes en ligne de prise de rendez-vous.
Des conséquences pour l’accès
Le Devoir a demandé à son cabinet si le ministre estimait que les activités de Bonjour-santé étaient légales, comme l’affirme M. Brunel, ou illégales, car permettant à des patients d’obtenir un rendez-vous moyennant un paiement. L’attachée de presse du ministre, Julie White, a redirigé Le Devoir vers la RAMQ, « qui interprète la Loi ».
Benoit Brunel rappelle que la majorité des services offerts par Bonjour-santé sont gratuits. Les patients peuvent utiliser le système téléphonique gratuit de prise de rendez-vous de leur clinique habituelle, lorsque celle-ci fait partie des 255 cliniques qui font affaire avec cette entreprise pour la gestion de leurs rendez-vous. Bonjour-santé finance ce système gratuit à même le système payant, sur le Web. « C’est un petit pourcentage des usagers qui finance nos services », soutient M. Brunel.
« Notre système a permis d’éliminer les files d’attente sur les trottoirs », ajoute-t-il.
Les cliniques qui utilisent Bonjour-santé s’interrogent sur la position à adopter. Elles s’exposent à des sanctions sévères si elles contreviennent au règlement abolissant les frais accessoires. En plus des amendes, la RAMQ peut, grâce à de nouveaux pouvoirs obtenus avec l’adoption du projet de loi 92, obtenir une injonction pour faire cesser des pratiques illégales.
« C’est une préoccupation, des membres m’ont demandé ce qu’il en était de Bonjour-santé », relate Isabelle Girard, directrice médicale de l’Association des cliniques médicales du Québec. « J’ai posé la question au ministère sur la légalité du service et je n’ai pas encore eu de retour de leur part. »
Système public au printemps
Selon les informations obtenues par Le Devoir, Québec lancerait sa solution publique de prise de rendez-vous en avril.
En octobre 2015, le ministre avait signifié qu’il souhaitait que le système soit en place pour la fin 2016. Le cabinet de Gaétan Barrette disait vendredi souhaiter faire une annonce « dans les meilleurs délais possible ».
C’est un consortium formé par l’entreprise québécoise présente à l’international CGI et la jeune pousse montréalaise GOrendezvous qui ont remporté la mise. Un contrat de cinq ans avec Québec, pour un montant de près de 4,5 millions de dollars, leur a été accordé pour la mise en place d’une « solution informatique pour la prise de rendez-vous avec un médecin de famille », indique l’appel d’offres.
Le cofondateur de GOrendezvous, Philippe Papillon, affirme que ce n’est pas « dans la vision » de son entreprise de facturer des frais aux patients. « Ce n’est pas dans nos valeurs. Depuis le début, on développe une plateforme qui peut servir les professionnels sans frais pour les patients », explique-t-il.
Benoît Brunel croit que Bonjour-santé, qui a soumis une proposition à l’appel d’offres sans l’emporter, pourra cohabiter avec cette éventuelle nouvelle plateforme. Selon lui, la solution de Québec offrira « 5 % » des fonctionnalités de Bonjour-santé. « Ils n’ont pas prévu de prise de rendez-vous téléphonique, c’est problématique », reproche-t-il.
À la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), on affirme que les médecins veulent simplement « un système qui fonctionne ». « Si l’État fournit ce service et que ça va bien, nous serons bien contents », résume le directeur des communications de la FMOQ, Jean-Pierre Dion.