Ni rachat de start-up, ni création de cellule innovation… Le deuxième groupe pharmaceutique français préfère les partenariats opérationnels. Objectif : en signer une quinzaine par an.

« Au moment du premier rendez-vous, j’avais une image très négative de Servier. J’en étais resté au Mediator « , confesse Maurice Bérenger, le président de la start-up CardioRenal. Installée à Nancy, sa jeune entreprise est à l’origine d’un petit boîtier capable de détecter grâce à une goulette de sang les signes avant-coureurs d’un problème cardiaque. Depuis, Maurice Bérenger a oublié ses réticences : il a trouvé en Servier, dit-il, un partenaire  » réactif et transparent « . CardioRenal a conclu un partenariat avec le deuxième laboratoire français, qui s’est engagé à commercialiser en Europe et en Amérique du Sud son système de surveillance à domicile des malades insuffisants cardiaques.

Des accords de ce type, Servier entend en signer beaucoup. Car le laboratoire veut devenir un des leaders de la santé connectée. Issu de la pharmacie traditionnelle, Servier n’était pas outillé pour explorer cette nouvelle frontière. Pragmatique, il a choisi d’y aller main dans la main avec des start-up. L’objectif : signer chaque année une quinzaine de partenariats très opérationnels.  » Nous voulons avoir 20 produits dans dix-huit mois « , affirme le cardiologue David Guez, à l’origine de cette nouvelle activité. Un modus operandi salué par Guillaume Marchand, président de l’association France eHealthTech :  » Pour les start-up de santé, la collaboration avec un laboratoire est un moyen d’accélération bienvenu. Pour un grand groupe comme Servier, c’est une façon de préparer une diversification du chiffre d’affaires à cinq ou dix ans.  »

Identifier les bons partenaires

Pour appliquer ce programme, le groupe pharmaceutique s’est doté d’une petite structure spécialisée : We Health. Lancée en novembre 2016, cette nouvelle filiale emploie une quinzaine de salariés, travaillant en mode commando. L’idée ? Accélérer les processus de décision par rapport au tempo ordinaire d’un grand groupe. La première mission de la petite équipe consiste à identifier les bons partenaires, très en amont. Ainsi, le vibrionnant David Guez écume les conférences et multiplie les voyages à la recherche de pépites. Pour s’assurer un approvisionnement régulier en dossiers, We Health a tissé un réseau de partenariats avec des lieux où bouillonne l’innovation : incubateurs, universités, accélérateurs. Aux Etats-Unis, il coopère avec le MassChallenge de Boston mais aussi avec Plug & Play, l’un des principaux accélérateurs de la Silicon Valley. En France, Servier est en cheville avec l’accélérateur francilien Scientipole (Paris-Saclay).

Ces rencontres ont donné lieu à des discussions avancées avec une dizaine de start-up, dont trois ont officiellement signé. En plus de Cardio-Renal, Servier va travailler avec la start-up lyonnaise Imalink Medical et avec le spécialiste des vêtements connectés médicaux BioSerenity. C’est avec cette jeune pousse, incubée à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), que la coopération est aujourd’hui la plus aboutie.  » Servier m’a proposé de développer une solution dans le cardio-vasculaire, domaine où il est numéro deux européen « , raconte Pierre-Yves Frouin, le fondateur de BioSerenity. Alors que la start-up avait concentré ses efforts sur la neurologie, Servier lui a apporté son expertise en cardiologie et un accès direct aux cardiologues qui comptent. Le CardioSkin, tee-shirt né de ce partenariat, devrait bientôt obtenir l’agrément des autorités (marquage CE). Lavable jusqu’à 35 fois, il permet de surveiller en continu l’activité cardiaque pendant plusieurs semaines grâce à une douzaine de capteurs. Servier en assurera la commercialisation.

Dix millions d’euros par projet

Avec ce partenariat, Servier a validé son modèle.  » Nous ne voulons pas racheter de start-up, ni même prendre de capital, mais être des partenaires dans un processus d’innovation ouverte « , explique David Guez. Chaque projet fera l’objet d’un investissement  » limité à 10 millions d’euros sur 2-3 ans « , avec un objectif de retour sur investissement en trois ans. Des cycles très courts et des investissements modestes au regard des standards du médicament.

 » Beaucoup de grands groupes créent des cellules innovation ou des programmes d’accélération, décrypte un entrepreneur en discussion avec We Health. Autant de projets intéressants mais qui restent très extérieurs à la vie de l’entreprise. Servier, lui, a choisi une approche concrète consistant à bâtir des projets avec les start-up.  » Un schéma très original qui pourrait bien créer des émules.

Sanofi se pose en client des start-up

Comme Servier, le géant pharmaceutique Sanofi coopère avec les experts du numérique.  » Nous sommes dans une logique de co-construction avec des partenaires, en partant toujours des besoins des patients « , explique Isabelle Vitali, directrice de l’innovation de Sanofi France. Ce que nous apportons aux start-up, c’est d’être leur premier client « . Le géant français soutient ainsi MedPics, une plateforme de photos médicales sur laquelle les professionnels de santé discutent de cas difficiles.

Son partenariat le plus abouti va fêter ses dix ans : avec Voluntis, un des pionniers de la e-santé (coté en Bourse), Sanofi a développé Diabeo, un outil permettant aux patients diabétiques de calculer leur dose idéale d’insuline. Avec Google, Sanofi avait lancé Onduo, co-entreprise dans laquelle les deux firmes ont injecté 500 millions d’euros. L’idée consiste à  » développer des solutions complètes combinant dispositifs médicaux, logiciels, médicaments et soins professionnels « . Vaste projet au potentiel de très long terme…  » Conçu pour doper le cours de Bourse des deux groupes, il peut rester dans les limbes des années « , tacle un expert, pourtant proche de Sanofi.

Publisher: Lebanese Company for Information & Studies
Editeur : Société Libanaise d'Information et d’Etudes
Rédacteur en chef : Hassan Moukalled


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