Le Québec est en meilleure position que les autres provinces pour réussir son appel d’offres, dit un spécialiste
Plus d’un an après avoir adopté un projet de loi qui lui en donne les moyens, Québec s’apprête à lancer son premier appel d’offres pour réduire le prix des médicaments génériques offerts dans le cadre du régime public d’assurance médicaments. Mais attention, note un expert : l’expérience, qui a été tentée à plus petite échelle ailleurs au Canada, s’est avérée infructueuse.
« De façon générale, c’est sûr que Québec fait la bonne chose en s’engageant sur cette voie, car nous payons beaucoup trop cher au Canada pour nos médicaments, mais là où ça a été tenté ailleurs, sous la forme de projets-pilotes, ça n’a pas fonctionné », affirme Michael Law, de la Chaire canadienne sur l’accès aux médicaments de l’Université de la Colombie-Britannique.
En Colombie-Britannique et en Saskatchewan, par exemple, les compagnies de médicaments génériques n’ont jamais vraiment embarqué dans le processus d’appels d’offres, affirme-t-il. En Ontario, c’est le fabricant du médicament original qui a remporté l’appel d’offres, « un peu par défaut ».
Michael Law estime toutefois que Québec est en meilleure posture pour réussir là où d’autres ont échoué. « L’une des raisons pour lesquelles les fabricants de médicaments génériques n’ont pas souhaité participer, c’est parce qu’il existe au Québec une règle du plus bas prix qui fait en sorte que, si un médicament est offert ailleurs à plus bas prix, c’est le prix qui sera payé au Québec. Les compagnies hésitaient donc à baisser leurs prix dans les autres provinces et d’en subir les contrecoups au Québec. Mais cette situation ne s’appliquera visiblement pas au Québec. »
L’autre raison de l’échec des projets-pilotes canadiens, c’est le trop petit nombre de produits soumis aux appels d’offres, affirme-t-il. « Certains fabricants craignaient de se mettre à dos les pharmaciens — qui perdent leurs ristournes — et que ceux-ci boycottent leurs autres produits, explique le professeur. Québec ouvre les appels d’offres sur une très grande liste de médicaments. Les fabricants risquent donc davantage d’y voir un intérêt financier. »
Rien ne garantit que le système de Québec va réussir, prévient toutefois le chercheur, car personne ne peut forcer les compagnies à participer à ces appels d’offres.
Compagnies sous surveillance
Cette crainte est partagée par le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, qui a fait pression sur les fabricants de médicaments génériques en envoyant une lettre au Bureau de la concurrence cette semaine. « J’ai bien hâte de voir comment l’industrie va réagir parce que les appels d’offres dans le Canada ont eu peu de succès. Et, dans certaines circonstances, on voit des prix qui sont très similaires d’une compagnie à l’autre, ce qui est très étonnant, a affirmé le ministre mercredi matin. En ce moment, je ne soupçonne personne de collusion, je dis simplement qu’à partir du 1er juillet, dans trois jours, il va y avoir un appel d’offres qui sera lancé et je m’attends à ce que la chose se passe correctement. J’invite les autorités compétentes en la matière à bien observer la situation. »
À l’Association canadienne du médicament générique, on se dit « déçu » de n’avoir pu arriver à une entente négociée avec le ministre, mais son président, Jim Keon, assure qu’il n’y aura pas d’appel au boycottage. « Chaque compagnie va décider par elle-même ce qu’elle va faire. Il y en aura peut-être une qui va décider de boycotter, mais ce ne sera pas une décision prise collectivement. Il y a des lois au Canada sur la concurrence et les compagnies respectent les lois. »
Ce dernier nie par ailleurs que les compagnies aient pu faire de l’obstruction dans les autres provinces où les appels d’offres ont été testés.
Pharmaciens
Du côté de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP), on affirme que cette mesure amènera « une insécurité additionnelle » sur le plan financier, mais que l’entente négociée avec le ministre en avril dernier — qui ramenait les ristournes à un maximum de 15 % — mettait la table pour d’éventuels appels d’offres. On craint également pour la qualité et de possibles ruptures de stock. Le vice-président, Jean Bourcier, garantit la collaboration de ses membres. « C’est arrivé ailleurs que des pharmaciens disent : on n’achète pas ce produit-là. Mais nous, il ne nous apparaît pas acceptable de prendre cette position-là. »