A un peu plus de deux semaines du premier tour de la présidentielle, Challenges vous résume les principales propositions des 12 candidats en matière d’environnement.
Après avoir passé au crible les programmes des candidats à la présidentielle 2022 en matière de fiscalité, de santé, ou d’agriculture, Challenges se penche désormais sur l’environnement. Grand absent des débats de la campagne, il n’a toutefois pas été occulté par la majorité des candidats. « Il y a eu une montée en compétence des équipes par rapport à il y a cinq ans, il est clair que le sujet de l’environnement a percé dans les programmes, observe Maxime Efoui-Hess, porte-parole du Shift project. Par contre, il y a un décalage entre le niveau des équipes et leurs candidats, et encore plus avec le temps de parole. »
Les candidats les plus hauts dans les sondages n’ont toutefois pas le même niveau de préparation. C’est ce que note le think tank I4CE (institute for climate economics) qui a étudié les programmes des six principaux candidats: Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Anne Hidalgo, Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Eric Zemmour, avant la publication du programme d’Emmanuel Macron, encore en cours d’analyse. « Nous avons regardé si les candidats étaient prêts, s’ils avaient des propositions pour les 16 défis identifiés (forêts, énergies, transports, rénovation…) et s’ils avaient chiffré leurs propositions », indique Erwann Kerrand, chef de projet à I4CE. Le think tank a étudié les programmes et questionné directement les équipes des candidats. Résultats: « même si on ne parle pas de climat dans la campagne, il est présent dans les programmes, à part pour deux candidats qui en parlent à peine: Eric Zemmour et Marine Le Pen, pointe Charlotte Vailles, elle aussi cheffe de projet à I4CE. Les quatre autres étudiés ne remettent pas en cause les objectifs environnementaux de la France ». I4CE considère trois candidats comme prêts sur la question du climat: Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Anne Hidalgo, alors que Valérie Pécresse « a des propositions trop imprécises et n’a pas chiffré l’impact financier de ces mesures », analyse Charlotte Vailles.
Enfin, si les stratégies divergent des consensus émergent: les programmes inscrivent l’action climatique dans la durée, aucun de ces quatre candidats ne parle de taxe carbone à part Yannick Jadot, du bout des lèvres, et tous parlent de suppression des subventions aux énergies fossiles, de l’accompagnement des ménages les plus modestes et de la rénovation des logements. Un sujet sur lequel l’ordre des architectes se dit déçu: « les candidats ne proposent que des politiques des chiffres, avec de grandes incantations, alors qu’il faut repenser une politique globale et qualitative de l’habitat », soupire Christine Leconte, présidente du conseil national de l’Ordre.
Emmanuel Macron
Le programme d’Emmanuel Macron consacre assez peu de mesures à l’environnement. Le président sortant veut faire de la France « la première grande nation à sortir de la dépendance au gaz, au carbone et au charbon ». Pour cela, il veut lancer la construction de six nouveaux EPR, avec la mise à l’étude de huit nouveaux, multiplier par 10 la puissance solaire et construire 50 parcs éoliens en mer. Il compte développer une filière 100% française en matière d’éolien, de solaire et des batteries électriques, rénover 700.000 logements par an et développer les mécanismes de leasing pour favoriser l’achat de véhicules électriques. Il prévoit d’investir 50 milliards d’euros par an jusqu’en 2027 pour la transition.
Marine Le Pen
La candidate du Rassemblement national (RN) veut relancer la filière nucléaire, hydroélectrique et investir dans l’hydrogène. Dans le détail, elle compte lancer la construction de quatroze nouveaux EPR et la réouverture de Fessenheim. Elle compte arrêter tout nouveau projet éolien set réfléchit au démantèlement des parcs existants. Elle promet ainsi de « rendre aux ménages les 5 milliards de subventions versées notamment aux éoliennes ». Elle veut aussi interdire l’abattage sans étourdissement et maintenir la chasse.
Jean-Luc Mélenchon
Le candidat insoumis veut inscrire la « règle verte » dans la Constitution: l’interdiction de prélever davantage à la nature que ce qu’elle est en état de reconstituer, et veut organiser la planification écologique. Il se donne un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 65% en 2030 (contre 40% actuellement). Il promet l’isolation d’au moins 700.000 logements par an, de sortir du nucléaire en planifiant le 100% énergies renouvelables pour 2050, d’interdire les pesticides les plus dangereux (glyphosate et nicotinoïdes), de proposer des cantines bio et locales et d’intégrer l’écologie dans les programmes scolaire. L’insoumis veut aussi supprimer les lignes aériennes si une alternative en train de moins de quatre heures existe, reconnaître le crime d’écocide et conditionner les aides aux grandes entreprises. Jean-Luc Mélenchon souhaite enfin interdire les pratiques de chasse et loisirs cruelles pour les animaux (déterrage, combats de coqs…).
Il compte ainsi investir 200 milliards d’euros dans la transition, en rétablissant un ISF avec un volet climatique, instaurer des droits de douanes sur critères sociaux et écologiques et une taxe kilométrique aux frontières de la France (impossible avec les traités européens actuels).
Eric Zemmour
Eric Zemmour (Reconquête) promet de mettre fin aux projets d’éolien terrestre et maritime, de prolonger la vie des centrales nucléaires à au moins 60 ans, et de construire au moins 14 nouveaux réacteurs. Il compte également interdire la construction de nouvelles grandes surfaces en zones commerciales à l’entrée des villes et villages, privilégier les circuits courts dans la restauration collective. Il prévoit d’instaurer une stratégie forestière nationale avec un fonds de reboisement et d’adaptation au changement climatique, et lancer un plan de dépollution des sols. Le candidat promet aussi une « véritable » filière industrielle du recyclage des plastiques, d’exiger une taxe carbone aux frontières, mais ne dit rien sur les objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre.
Valérie Pécresse
La candidate LR a pour objectif la neutralité carbone en 2050, sans hausse d’impôt. Elle promet de construire six nouveaux EPR, de redémarrer le projet de réacteur nouvelle génération sans déchets et de prolonger la durée de vie des centrales nucléaires existantes. Elle promet en revanche de ne plus développer de nouveau projet éolien sans accord des populations. Elle se dit en faveur d’une taxe carbone aux frontières et compte interdire la vente de véhicules thermiques neufs en 2035, 2040 pour les hybrides rechargeables. La candidate républicaine se donne un objectif de zéro emballage plastique à usage unique d’ici la fin du mandat et promet un chèque de récupération de 10 euros pour recycler son téléphone.
Tout en refusant une stratégie sans pesticide, elle promet que 100% des cantines publiques seront approvisionnées en produits locaux y compris bio d’ici 2027. Elle compte également créer un fonds national forestier de 150 millions d’euros par an et souhaite en finir avec les passoires thermiques en doublant le nombre de logements rénovés. La candidate promet aussi un « Fonds de renaturation » de 200 millions d’euros pour la désimperméabilisation des sols en ville, dépollution des friches industrielles et la renaturation. Pour financer ces mesures, Valérie Pécresse compte fusionner le livret A et le livret développement durable et flécher 120 milliards d’euros d’épargne pour la transition.
Yannick Jadot
Le candidat EELV veut inscrire dans la Constitution que la France « garantit » la préservation de la biodiversité et de l’environnement, avec un objectif de neutralité carbone en 2050. L’écologiste souhaite protéger 30% de la zone économique exclusive française et 40% du territoire français d’ici 2030, et interdire les néonicotinoïdes et le glyphosate.
Yannick Jadot veut également moduler la TVA des produits énergétiques: 20% sur l’essence, mais 5,5% pour les services de transport de passagers peu carbonés comme le train. Au contraire, pour les transports de passagers polluants, la TVA passerait de 10 à 20%, avec une interdiction des vols intérieurs si une alternative de moins de quatre heures existe en train, tout en stoppant les grands projets ferroviaires comme le Lyon-Turin. Il compte aussi interdire la vente de véhicules neufs avec un carburant fossile à partir de 2030. Pour le logement, le candidat veut investir 10 milliards d’euros par an pour la rénovation des bâtiments avec un reste à charge zéro pour les ménages modestes. Yannick Jadot promet aussi d’interdire la chasse les week-ends et vacances scolaires.
our l’énergie, il compte supprimer les aides publiques aux entreprises engagées dans les énergies fossiles et sortir du nucléaire « de manière responsable », avec un arrêt de 10 réacteurs d’ici à 2035. En parallèle, il promet d’installer sept parcs éoliens d’ici à 2028 et d’installer 25 GW en plus de photovoltaïque d’ici à 2027, en développant le biométhane. Le candidat propose aussi d’obliger les entreprises et administrations à atteindre une baisse de leur consommation finale d’énergie de 50% en 2030. Le candidat EELV promet enfin 150 milliards d’euros annuels d’aides publiques aux entreprises qui seront conditionnées au respect d’engagements environnementaux et sociaux, et l’instauration d’un ISF climatique.
Fabien Roussel
Le candidat communiste promet de protéger les forêts primaires contre l’exploitation industrielle et d’arrêter l’importation de produits responsables de la déforestation tropicale: viande, soja, huile de palme, cacao… Autres mesures: conditionner les aides aux entreprises sur des critères sociaux et environnementaux et obliger à la rénovation des passoires thermiques d’ici à 2030 sans reste à charge pour les ménages modestes, en y consacrant 10 milliards d’euros par an.
Sur l’énergie, le communiste a un objectif de neutralité carbone en 2050, avec une forte croissance de l’électrique et la relance du projet Astrid pour un réacteur nucléaire 4e génération. Il promet également une prime à la conversion de 10.000 euros pour une voiture « propre » crit’air 1 ou 2 et de maintenir l’autorisation de la chasse.
Anne Hidalgo
La candidate PS veut consacrer des droits à la nature, reconnaître le crime d’écocide et nommer en numéro deux du gouvernement un ministre du Climat, de la Biodiversité et de l’Economie. La socialiste promet un budget climat et biodiversité pour fixer la programmation de réduction des émissions de CO2, voté chaque fin d’année. La candidate souhaite elle aussi créer un ISF climatique, et surtaxer les placements liés aux énergies fossiles. Concernant les usages de cette fiscalité, 50% ira à l’accélération de la transition et 50% à des mesures sociales en faveur des ménages les plus fragiles.
Pour l’énergie, Anne Hidalgo veut atteindre le 100% énergies renouvelables aussi vite que possible, sans nouveau nucléaire, mais sans en sortir de manière précipitée. Elle promet aussi un taux zéro pour la mobilité durable, tout en investissant dans le ferroviaire, notamment le fret, doublé d’ici à 2030. Pour le logement, elle veut rénover 760.000 logements par an, sans frais à avancer au moment des travaux, et des loyers encadrés en fonction de la performance énergétique. Pour l’agriculture, elle promet d’interdire les néonicotinoïdes dans les 100 premiers jours du quinquennat, avec des aides ciblées pour l’agroécologie. Objectif: 30% de surface agricole utile en bio en 2030, et les deux tiers restants engagés dans des processus d’agroécologie.
Jean Lassalle
Jean Lassalle (Résistons!) promet de baisser la TVA sur les hydrocarbures de 20 à 5%. Il veut stopper l’éolien en interdisant les projets non validés par les maires, après consultations des habitants, mais investir dans les autres renouvelables: le solaire, la géothermie et l’énergie de la mer. Il compte basculer vers des centrales nucléaires de 4e génération. Concernant l’agriculture, il promet de mettre en place un « ticket paysan » sur le format du ticket restaurant. Il se positionne en faveur de la chasse et de la pêche, et souhaite s’affranchir des directives européennes sur la conservation de la nature: « la cohabitation entre les bergers et leurs troupeaux est incompatible avec la présence de prédateurs tels que les ours, les loups et les lynx. »
Nathalie Arthaud
La candidate Lutte ouvrière consacre peu de mesures concrètes à l’environnement dans son programme. Elle promet seulement de combattre l’élevage et l’abattage intensif, souhaite interdire la chasse à courre et se dit opposée à la corrida ou aux combats de coqs.
Philippe Poutou
Le candidat du NPA promet de nationaliser les entreprises de l’énergie et du médicament, de sortir du nucléaire en 10 ans, et un accès gratuit aux transports publics.
Nicolas Dupont-Aignan
Le candidat de Debout la France mise sur le développement d’une filière nucléaire d’excellence, avec l’abandon de l’objectif de 50% de nucléaire dans le mix électrique en 2035. Il promet de ne plus implanter d’éoliennes d’ici cinq ans, et de multiplier par six les moyens pour l’isolation thermique par rapport à 2020 en utilisant les aides actuellement réservées aux éoliennes. Il promet également de développer les circuits courts dans les cantines scolaires, avec l’interdiction des perturbateurs endocriniens, particulièrement dans l’alimentation. Il prévoit également un programme zéro déchet sur 10 ans pour les océans, ainsi qu’un fonds national d’aides aux associations de protection animale, financé par une taxe sur l’importation des animaux.