Sous le hangar d’une splendide ferme, dont certains bâtiments remontent au début du XVIIIe siècle, les deux engins, un distributeur d’engrais et un imposant pulvérisateur vert fluo, sont à l’arrêt. Ici, à Fontaine-Chaalis, petit bourg de l’Oise d’à peine 400 habitants, ce jeudi 9 avril, le soleil réchauffe les champs et les bois alentours, la température atteint les 18 degrés… et Paris, distante d’une quarantaine de kilomètres, vit pour le deuxième jour consécutif un pic de pollution. La concentration de particules fines PM10 (d’un diamètre inférieur à 10 microns) a atteint, dans la capitale, 78 microgrammes par mètre cube d’air. En cause, la circulation automobile, le chauffage, l’industrie… et l’agriculture. Et, tout particulièrement, les épandages d’engrais, nécessaires en ce début de printemps, qui produisent de l’ammoniac (NH3). « Lors de ces pics de pollution, on observe une part importante de particules “secondaires” qui sont le résultat d’une réaction chimique entre les oxydes d’azote émis par le trafic routier et l’ammoniac issu de l’épandage de fertilisants sur les terres agricoles », explique Karine Léger, ingénieure d’Airparif, qui surveille la qualité de l’air en Ile-de-France. La combinaison chimique de ces deux produits donne du nitrate d’ammonium, une particule très fine qui pénètre dans les poumons. Les agriculteurs sont-ils responsables de la pollution des villes ? A Fontaine-Chaalis, l’accusation exaspère. Emeric Duchesne, 32 ans, qui produit sur quelque 200 hectares du blé, de la betterave sucrière, du colza ou encore du lin, préfère en sourire. « Vous pensez qu’au prix où j’achète mon fertilisant, je vais en épandre au risque d’en voir un tiers s’évaporer et aller polluer Paris ? questionne-t-il. Je suis un chef d’entreprise qui ne va pas dépenser plus de solution azotée [sous forme liquide] ou d’ammonitrate [en granulés] que nécessaire et seulement si cela se montre efficace. »   Réactions chimiques Avec la chaleur, une partie du produit s’évapore. Emeric Duchesne dit ne pratiquer l’épandage que s’il est sûr qu’une pluie prochaine rincera les plantes et emmènera le produit aux racines. Le matin, quand la rosée perle sur les pousses vertes de blé tendre, l’épandage se fait plus couramment. « Les températures fraîches du matin et un ensoleillement en journée sont propices à de telles réactions chimiques, souligne Karine Léger. Lors des épisodes de pollution de mars 2014 et 2015, les particules secondaires représentaient certains jours plus de 60 % de la masse de PM10 observées en Ile-de-France. » Alexis Patria, à la tête d’une exploitation de 512 ha et maire de Fontaine-Chaalis, dénonce, lui, « l’hypocrisie des élus de la ville qui ne veulent pas s’attaquer à la pollution domestique, urbaine, pour ne pas heurter leurs électeurs, et préfèrent stigmatiser les agriculteurs ». Lors des précédents pics de pollution, fin mars, l’agriculteur dit avoir procédé à des épandages. « Si on m’avait interdit de le faire, je risquais de perdre jusqu’à 10 % de ma récolte », plaide-t-il. « Changer le modèle de production » Car la menace d’une interdiction plane, alors que le cadre réglementaire existe déjà. Un arrêté du 26 mars 2014 du ministère de l’écologie autorise les préfets à prendre des mesures « de restriction ou de suspension de certaines activités concourant à l’élévation de la concentration du polluant considéré ». « L’interdiction n’est pas une bonne idée, il y a déjà la directive nitrate pour lutter contre la pollution de l’eau, et d’autres textes. En rajouter serait problématique, estime Sophie Agasse, responsable des dossiers environnementaux à l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture. La question de fond n’est pas un pic, mais la pollution permanente qui n’est pas qu’agricole. » Sophie Agasse met en avant d’autres solutions, comme la couverture des fosses à lisier, et l’amélioration de l’alimentation des animaux, avec des conséquences sur la qualité du fumier. Serge Orru, ancien directeur général de WWF France et conseiller de la maire de Paris, Anne Hidalgo, plaide, dans une tribune publiée le 8 avril sur le site du Nouvel Observateur, pour une limitation des épandages en cas de pic de pollution. Se défendant de « montrer du doigt les campagnes pour innocenter les villes », il demande au monde agricole d’« attendre quelques jours avant d’épandre les intrants chimiques » et de limiter le recours à l’ammonitrate. « Notre agriculture dépend tellement des engrais chimiques que les pollutions sont inévitables, professe François Veillerette, responsable de l’association Générations futures. On n’empêchera pas les agriculteurs de travailler, il faut juste changer le modèle de production. »   Par Rémi Barroux et Laetitia Van Eeckhout LE MONDE

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