L’événement, qui a lieu tous les trois ans, tient à la fois du sommet politique, du salon professionnel, du rendez-vous citoyen où se retrouvent les ONG spécialisées, des rencontres scientifiques et même du festival culturel. On y attend une dizaine de chefs d’Etat, 120 ministres, ainsi que moult parlementaires, représentants de collectivités locales, experts, dirigeants d’entreprises privées ou publiques et autant de lobbyistes. Du 12 au 17 avril, plus de 20 000 personnes devraient se rendre à la 7ème édition du Forum mondial de l’eau qui vient de débuter à Daegu et Gyeongbuk, en Corée du sud, qui a pour thème : « L’eau pour notre avenir ». Il y sera beaucoup question de droit d’accès à la ressource hydrique et d’équité dans la façon de la répartir.

Dès la veille du Forum, l’agence de lOrganisation des Nations unies (ONU) pour l’alimentation et l’agriculture (la FAO), l’Unesco, la Banque mondiale, le Fonds pour l’environnement mondial et l’Association internationale des hydrogéologues ont ouvert le chapitre politique, en appelant « la communauté internationale à agir d’urgence pour empêcher la dégradation et l’épuisement des ressources en eaux souterraines. » Les cinq organisations devaient présenter le 13 avril leur « diagnostic global » et un cadre d’action pour 2030.

Sécuriser les approvisionnements

Le même jour, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le Conseil mondial de l’eau – une sorte de club de responsables politiques et d’entreprises – devaient rendre public leur rapport sur la nécessité de financer davantage les infrastructures afin d’assurer la sécurité de l’approvisionnement des populations.

L’agriculture, l’énergie, l’industrie en dépendent, rappellent les économistes. Objet d’enjeux vitaux, l’eau est évidemment le moteur de marchés gigantesques. Mais sans gestion plus durable, « la planète devrait faire face à un déficit global en eau de 40 % d’ici à 2030 », ont prévenu les experts de l’ONU en mars. Raison de plus pour que celle-ci figure en bonne place dans les débats entre Etats.

Les organisateurs des Forums mondiaux successifs sont convaincus que les messages lancés lors de ces rencontres ont des répercussions sur l’agenda international. Ainsi le rendez-vous d’Istanbul en 2009 avait-il permis la reconnaissance l’année suivante par l’ONU de l’accès à une source potable comme un véritable droit de l’homme. L’édition suivante, celle de Marseille, aurait contribué à l’adoption d’une convention internationale qui encadre la gestion par les pays riverains de nappes souterraines et de fleuves transfrontaliers.

Cette fois, à Daegu, les participants ont en ligne de mire la Conférence de Paris sur le climat, en décembre. Ils souhaiteraient en effet que l’eau s’immisce dans les négociations. Auparavant, ils espèrent que la préservation et la distribution de la ressource hydrique obtiendront une place de choix lors de la prochaine assemblée générale de l’ONU, à New York, en septembre. Car les Nations unies doivent y adopter un nouvel agenda en faveur d’un avenir durable qui succédera pour les 15 prochaines années aux actuels Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).

L’assainissement, un chantier gigantesque

Depuis le lancement de ces OMD en 2000, l’accès à un puits, une borne-fontaine ou à un robinet a bien progressé. L’assainissement en revanche reste un gigantesque chantier à peine entamé. Rappelons que 748 millions de personnes dans le monde n’ont accès à aucune source d’eau potable et plus de 2 milliards n’ont droit qu’à un service individuel ou collectif de piètre qualité ou limité. Selon le dernier rapport de l’ONU-Eau, un milliard d’humains défèquent en plein air faute de mieux et 2,5 milliards vivent sans raccordement à un système de collecte. Dans les pays en voie de développement, au moins 90 % des eaux usées sont rejetées dans l’environnement sans aucun traitement, générant maladies hydriques et pollutions.

« L’eau représente un véritable sujet d’inquiétude en Asie, tant du point de vue du changement climatique – elle est au cœur de la plupart des catastrophes : inondations, sécheresses, cyclones – qu’à cause du stress hydrique, rapporte Henri Bégorre, président du Partenariat français pour l’eau (PFE). La Corée, par exemple, se déclare en pénurie d’eau. Non pas que le pays en manque, mais il pâtit des pollutions non traitées à la sortie des villes, dans l’industrie et l’agriculture. »

Le PFE rassemble les acteurs français participant au Forum de Daegu : agences de l’eau, collectivités locales, entreprises, ONG. Longtemps maire de Maxéville (Meurthe-et-Moselle), Henri Bégorre (UDI) admet que cette façon de se présenter groupés permet de promouvoir le savoir-faire hexagonal. Mais pas uniquement pour vendre les technologies des grands groupes comme Veolia et Suez : il s’agit aussi de porter la bonne parole hexagonale selon laquelle il est nécessaire de faire participer l’ensemble des usagers à la gestion de la ressource, par bassin-versant. Une belle idée théorique, pas simple à mettre en œuvre.

Martine Valo, Le Monde

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