Les agriculteurs sont inquiets. Leur syndicat a enregistré une baisse de moitié environ de la main-d’œuvre saisonnière syrienne, qui occupe ordinairement plus de 80 % des emplois de ce secteur. « Chaque année, la main-d’œuvre agricole syrienne arrive au Liban en mars, au début de la saison des récoltes, et repart en hiver, mais, ce printemps, la plupart des ouvriers ne sont pas revenus », déclare Saïd Gédéon, directeur du département agricole de la Chambre de commerce et d’industrie de Zahlé. En cause, les nouvelles mesures relatives à l’entrée et au séjour des ressortissants syriens, que la Sûreté générale impose depuis début janvier pour tenter d’absorber le choc démographique lié à l’afflux de réfugiés. Désormais, seuls ceux qui peuvent justifier des raisons de leur séjour (tourisme, travail, études, etc.) obtiennent un visa d’entrée. Ceux qui souhaitent travailler doivent en outre, comme tout étranger, obtenir un permis de travail ; une condition à laquelle ils échappaient jusque-là de manière coutumière. Quant au statut de réfugié politique, il est désormais attribué au cas pas cas, en coordination avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). « Le ministère des Affaires sociales assure que l’entrée au Liban sera accordée pour les cas humanitaires extrêmes, ce qui soulève des préoccupations concernant le grand nombre de réfugiés qui peuvent se voir refuser l’accès au Liban », soulignait l’ONG Amnesty International dans un communiqué diffusé le 6 janvier. En cause aussi, la difficulté de puiser dans le vivier des réfugiés présents sur le territoire libanais. « Depuis les nouvelles directives de janvier 2015, un réfugié syrien enregistré au HCR devant renouveler son permis de séjour doit fournir un acte notarié dans lequel il s’engage à ne pas travailler », explique Dana Sleiman, porte-parole du HCR au Liban. Selon un rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT), 24 % des réfugiés syriens travaillaient dans le secteur agricole en 2013, 90 % d’entre eux exerçant déjà dans ce secteur avant la crise syrienne. On ignore si cette part a diminué depuis. Baisse immédiate des entrées

Les effets des durcissements à la frontière ont été immédiats : selon les chiffres de la Sûreté générale, les entrées de ressortissants syriens au Liban sur les deux premiers mois de l’année ont baissé de 73 % par rapport à la même période, l’année précédente, et de 43 % par rapport aux deux mois antérieurs. Sur la même période, les inscriptions de Syriens auprès du HCR ont quant à elles chuté de près de 80 % en glissement annuel. Outre le risque de pénurie de main-d’œuvre saisonnière, les agriculteurs se plaignent aussi d’un impact sur leurs coûts. Selon Saïd Gédéon, la raréfaction des ouvriers agricoles – les Libanais ne sont plus une alternative depuis longtemps en raison du niveau de leur paie – a entraîné une augmentation du salaire des saisonniers de plus de 25 %. « Ils atteignent parfois 40 000 livres par jour contre 10 000 à 20 000 livres auparavant », confirme Antoine Howayek, président du syndicat des agriculteurs au Liban. À cela s’ajoutent les coûts directement liés à la régularisation : il faut compter 120 000 livres par an pour un permis de travail et au moins 400 000 livres pour la carte de séjour. Des sommes que les journaliers peuvent difficilement assumer eux-mêmes. Enfin, cette régularisation impose de nouvelles obligations juridiques à une activité qui n’est traditionnellement pas régie par le code du travail, mais par le code des obligations et des contrats, bien plus souple en la matière. « Aujourd’hui, un ressortissant syrien voulant se régulariser doit avoir un garant, son employeur, qui est son responsable légal pour une période de six mois », explique-t-on au ministère du Travail. Une application de la kafala que le syndicat demande au ministère de reconsidérer : « Ce système de responsabilité légale de l’employeur est incompatible avec le travail saisonnier, car cet emploi n’est pas formalisé et porte sur de courtes périodes. Le producteur ne peut pas se porter garant pour une durée de six mois dans ces conditions. » De son côté, le ministère du Travail assure que les permis de travail sont octroyés plus facilement dans certains secteurs comme la construction, l’agriculture ou des services de gardiennage. Il reste cependant intraitable sur le principe : l’embauche d’un travailleur étranger sans permis de travail est passible d’une amende de 2 500 000 livres libanaises. Mais avec moins de 30 inspecteurs du travail dans tout le Liban, les contraventions risquent d’être difficiles à recenser…

Céline HADDAD- L’orient Le Jour

Publisher: Lebanese Company for Information & Studies
Editeur : Société Libanaise d'Information et d’Etudes
Rédacteur en chef : Hassan Moukalled


Consultants :
LIBAN : Dr. Zaynab Moukalled Noureddine, Dr Naji Kodeih
SYRIE : Joseph el Helou, Asaad el kheir, Mazen el Makdesi
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