Greg prend une photo de sa famille, avec l’immensité du parc Yosemite en toile de fond. Tous sourient, mais ils ne peuvent s’empêcher de remarquer à quel point la rivière devant laquelle ils prennent la pose est asséchée. Yosemite, l’un des parcs nationaux les plus célèbres et fréquentés des Etats-Unis, souffre lui aussi de la sécheresse historique qui plombe depuis quatre ans la Californie. A première vue, la spectaculaire beauté de cette merveille naturelle est indemne et enchante les touristes, impressionnés par les pics à plus de 3.500 mètres d’altitude qui pointent à travers une végétation majestueuse à perte de vue. Mais en y regardant de plus près, les effets de la sécheresse sont bien visibles. Le fameux Lac Miroir ne réfléchit plus le monumental Half Dome (Demi-dôme) de 2.695 mètres, et laisse apparaître en lieu et place des bancs de sable, où certains visiteurs s’allongent pour prendre un bain de soleil, tandis que des enfants pataugent dans ce qui ressemble désormais à de petites flaques. La cascade Yosemite, la plus facile d’accès pour les touristes, elle aussi laisse échapper un flux plus fin qu’auparavant en cette année où la Californie a enregistré des chutes de neige minimales. « Le dégel est très faible », raconte Scott Gediman, responsable de la communication du parc. La rivière Merced, un des principaux cours d’eau de Californie qui traverse la vallée du parc, n’atteint plus qu’un mètre de haut alors qu’elle devrait dépasser sans problème les deux mètres. « Pour moi, c’est le principal signal qui montre qu’il y a une sécheresse », remarque M. Gediman, ajoutant: « C’est inquiétant ». En Californie, la situation est particulièrement critique. Le gouverneur de Californie Jerry Brown a dû prendre pour la première fois dans l’histoire de l’Etat des mesures obligatoires pour faire chuter de 25% la consommation d’eau. Yosemite n’est pas soumis à ces restrictions car il fait partie d’un domaine géré par l’Etat fédéral, mais multiplie les avis pour demander aux visiteurs de ne pas gaspiller. La sécheresse ne rebute toutefois pas les touristes. Depuis qu’elle a commencé en 2011, le parc a enregistré une moyenne de 4 millions de visiteurs par an. « Nous faisons attention », explique Teri Smail, qui campe dans le parc avec sa famille. « Quand on fait la vaisselle ou qu’on se douche, on ouvre brièvement et on ferme le robinet tout le temps. On essaie d’économiser l’eau », indique-t-elle en prenant son petit déjeuner. « Avant de venir nous nous sommes renseignés, car la situation est grave », renchérit Alvaro Jaramillo, un touriste colombien. Le manque de pluie et les fortes températures des dernières années rendent aussi le parc vulnérable aux incendies. En 2013, le « Rim Fire » est devenu le troisième feu le plus dévastateur de l’histoire de la Californie, brûlant plus de 100.000 hectares malgré les efforts de 5.000 pompiers et 20 hélicoptères. L’an passé, un autre feu a avalé 1.500 hectares, menaçant les sequoias géants qui font la réputation du parc. « Il y aura d’autres incendies cette année, c’est inévitable », avertit M. Gediman. Le manque d’humidité fragilise les arbres et favorise l’apparition de coléoptères qui colonisent leurs racines et peuvent finir par les tuer. « On ne peut rien faire, c’est la nature », constate M. Gediman, fataliste. Ces conditions délicates ne gâchent cependant pas le plaisir des vacanciers. « Yosemite est plus beau que jamais », se réjouit Mary, qui revient pour la première fois depuis 35 ans dans le parc. « C’est un lieu merveilleux ». AFP