Suzanne BAAKLINI| L’Orient Le Jour Durant le week-end écoulé, à Naamé comme à Amchit, les habitants étaient dans les rues pour empêcher les camions d’atteindre les décharges. Entre-temps, le ministre de l’Environnement demande au Conseil des ministres de débattre de cette question jeudi. Le week-end de fête n’a pas permis de refroidir le dossier brûlant des déchets ménagers : les manifestations se poursuivent dans différentes régions, la décharge de Naamé, la principale du pays, est fermée aux camions de Sukleen et aucune autre décharge n’est pratiquement prête pour accueillir les déchets. Habitants, écologistes et partisans ferment les routes et dressent des tentes depuis vendredi (voir reportage par ailleurs). À Amchit, près de la décharge de Hbaline qui dessert le caza de Jbeil, les habitants et les écologistes, appuyés par les députés de la région et par les présidents des municipalités, ont également effectué un sit-in samedi pour s’assurer que seuls les camions venant du caza ont accès à la décharge (de crainte que celle-ci ne soit utilisée pour l’enfouissement d’une centaine de tonnes supplémentaires issues d’autres régions après la fermeture de Naamé). Entre-temps, personne n’a réglé le problème de la destination finale des trois mille tonnes quotidiennes produites par Beyrouth et le Mont-Liban, qui étaient enfouies dans la décharge de Naamé-Aïn Drafil depuis plus de 17 ans. Face à cette impasse et après une première déclaration jeudi dans laquelle il rejetait sur les municipalités la responsabilité de trouver des sites de décharges, le ministre de l’Environnement Mohammad Machnouk a affirmé hier que « le Conseil des ministres devrait se saisir de la question des déchets ménagers durant sa réunion de jeudi ». « Si personne ne soulève cette question, je le ferai moi-même sans que cela n’empiète sur le débat autour du fonctionnement du Conseil des ministres », a-t-il ajouté dans son communiqué, faisant référence à l’article unique prévu à l’ordre du jour de cette réunion. Soulignant que la mise en application du plan national de gestion des déchets nécessiterait quelque six mois, M. Machnouk s’est justifié en considérant qu’ « il n’y a pas eu de retard dans les appels d’offres, un problème qui dure depuis 17 ou 18 ans ne peut être réglé en un mois». « Si nous nous dirigeons vers l’achat d’incinérateurs dans quatre ou cinq ans, que faire jusque-là ? a-t-il dit. Nous devons trouver une solution logique et pratique, pas théorique. » Le plan national adopté en janvier prévoit en effet de diviser le Liban en six régions qui devront être gérées par des compagnies privées. Après deux appels d’offres, cinq de ces régions ont reçu des offres suffisantes, mais l’application du plan attend un troisième round pour Beyrouth et ses banlieues sud et est, régions pour lesquelles aucune offre n’a été faite (probablement en raison du fait que les sociétés privées sont également chargées de trouver le site de décharge, mission pratiquement impossible dans la capitale). Le ministre Machnouk a demandé une nouvelle fois aux habitants de Naamé de « patienter ». Il a rappelé que les habitants de Beyrouth sont issus d’une mosaïque de communautés et de régions, et que la responsabilité des déchets qu’ils produisent devrait être partagée. « Même si nous ne voulons pas jeter les quelque 1 300 tonnes de Beyrouth et ses banlieues à Naamé, force est de constater que cette décharge se trouve dans le Mont-Liban Sud et qu’il nous faut trouver une solution, a-t-il ajouté. Devons-nous ouvrir de nouvelles décharges ou utiliser le site existant, en attendant de mettre le plan national en application ? » « N’essayez pas de rouvrir la décharge » Du côté des manifestants, on n’est pas convaincu par le discours du ministre. Dans un communiqué signé par la Campagne pour la fermeture de la décharge de Naamé, les militants « demandent au ministre d’arrêter ses tentatives de rouvrir la décharge ». « N’essayez pas de compter sur l’appui de leaders dont la crédibilité a déjà été entamée lors de la dernière prorogation de l’activité dans la décharge (NDLR : en janvier dernier) », lit-on dans le communiqué. Les militants déclarent « faire assumer au ministre la responsabilité de tout scénario artificiel en vertu duquel il laisserait les ordures s’amonceler dans les rues afin de faire pression » sur eux. À noter que les montagnes d’ordures étaient déjà perceptibles hier dans plusieurs régions. Pour sa part, Ajouad Ayache, porte-parole de la Campagne pour la fermeture de la décharge de Naamé, assurait hier à L’Orient-Le Jour qu’ « aucun camion ne s’est dirigé vers la décharge depuis sa fermeture par un sit-in vendredi matin ». « Nous restons sur place, nous voulons nous assurer que la décision de fermeture de la décharge est bien respectée », a-t-il dit. Interrogé sur les propos – qu’il a jugés « flous » – du ministre de l’Environnement, Ajouad Ayache estime que celui-ci s’est totalement discrédité. « La fermeture de la décharge le 17 juillet au plus tard fait l’objet d’une décision du Conseil des ministres, ajoute-t-il. Tant que cette décision n’aura pas été cassée par une nouvelle décision, les propos du ministre ne sont que paroles en l’air. »