L’Orient Le Jour| À Tripoli, dans le Akkar ou ailleurs, on remarque un phénomène de plus en plus récurrent : des ordures abandonnées par des inconnus, que les riverains découvrent le lendemain dans leur localité. La crise des déchets ménagers, qui dure depuis trois semaines, est à l’origine d’un grand malaise national. Hier, c’était au tour du quartier de Mina, à Tripoli, de subir les conséquences du chaos qui règne. Des inconnus y ont jeté un grand volume de déchets, plus exactement dans le quartier qui se trouve derrière l’Université arabe de Beyrouth, et ils y ont mis le feu. Les Tripolitains ont souffert des odeurs nauséabondes et vu une fumée noire se dégager de la montagne de déchets. Or le dépotoir de Tripoli n’est qu’à dix kilomètres de l’endroit où ces déchets ont été jetés : d’où viennent-ils donc et qui les a placés là ? Cet incident a provoqué une vive réaction de la part de Mohammad Kabbara, député de la ville, qui a qualifié de « crime caractérisé » ce qui s’est passé à Tripoli. « Nous avons été atterrés par le spectacle de ces ordures, qui contiennent des matières actives susceptibles de polluer l’air dans la région », s’est-il insurgé. Il a demandé à la justice « d’intervenir rapidement afin d’ouvrir une enquête pour savoir quelle partie se cache derrière cet acte criminel ». À Koueikhat, au Akkar, des inconnus ont déversé de nuit une charge d’ordures dans un champ agricole du village. Le moukhtar de la localité, Ahmad Hayek, a porté plainte contre X auprès de la gendarmerie de Halba. Il a demandé que « l’identité des coupables soit révélée, et que ceux-ci assument les conséquences résultant de leur acte illégal et nuisible ». À Nabatiyé, c’est contre la crise des déchets et les coupures d’eau et d’électricité que des habitants ont manifesté hier devant le sérail gouvernemental, à l’invitation des clubs et des associations de la ville. Les manifestants ont coupé la route devant le sérail et porté des masques pour illustrer la gravité de la crise des déchets. Des responsables municipaux et des militants les accompagnaient. « Le résultat des appels d’offres dans quelques jours » Les déchets étaient aussi au cœur des interventions des ministres de l’Environnement, Mohammad Machnouk, et de l’Industrie, Hussein Hajj Hassan, au cours d’une conférence sur… la production propre en industrie, organisée par l’Institut de recherches industrielles. M. Machnouk a pointé du doigt le danger de pollution généralisée du fait de la crise. « Nous avons lancé les appels d’offres et nous annoncerons les résultats dans quelques jours, a-t-il dit. Nous les présenterons en toute transparence devant tout le monde, et nous dirons quel entrepreneur a remporté chacune des six régions définies par le plan national de gestion des déchets. » Répondant à ceux qui demandent sa démission, il a affirmé œuvrer dans le cadre de ses prérogatives et ne pas fuir ses responsabilités. M.Hajj Hassan a également abordé le sujet des appels d’offres, se rappelant la première adjudication qui avait eu lieu dans les années 90, et « qui s’est accompagnée d’un monopole jouissant d’une protection politique, sans possibilité de lancer de nouveaux appels d’offres de peur de perturber le partage du gâteau ». « Aujourd’hui, le gouvernement a lancé un appel d’offres pour la gestion des déchets, a-t-il poursuivi. La pression continue d’être exercée pour empêcher cela : de l’argent a été déboursé pour dissuader les entrepreneurs de participer au processus, afin de maintenir l’ancien système en vie. Toutefois, les appels d’offres sont en cours d’étude, espérons qu’ils donneront des résultats. » « Pas aux dépens d’Achrafieh » Par ailleurs, le ministre du Tourisme, Michel Pharaon, s’est réuni hier avec un groupe de notables et de moukhtars de Beyrouth, pour discuter du problème des déchets dans la capitale. Il a critiqué l’amoncellement des ordures sur un terrain de La Quarantaine qui ne dépasse pas les 80 000 mètres carrés. « Nous n’accepterons pas cela tant qu’une solution globale n’est pas trouvée », a-t-il dit, rappelant que ce terrain devait juste être une étape pour l’emballage des déchets avant qu’ils ne soient emportés ailleurs. Le député a affirmé avoir revendiqué une décision concernant l’exportation des déchets en Conseil des ministres dans les 72 heures qui viennent. « Nous vivons une grande crise de déchets, il est vrai, mais nous refusons que la solution soit trouvée aux dépens de La Quarantaine, de Medawar, d’Achrafieh et d’autres régions beyrouthines, a ajouté M. Pharaon. Nous clamons franchement que nous n’accepterons plus une tutelle sur cette région : nous exigeons une décentralisation dans la municipalité de Beyrouth. S’il n’y a pas de solution d’ici à 48 heures, nous traiterons nos déchets et nous saurons comment les exporter. » Une autre réaction à la crise des déchets a été exprimée par Atef Majdalani, également député de la capitale. À l’issue d’une réunion avec le métropolite de Beyrouth, Mgr Élias Audi, M. Majdalani a estimé que « le gouvernement doit prendre une décision ferme pour désigner des sites de décharges sanitaires après une étude environnementale ». « Aujourd’hui, plus d’un millier de dépotoirs sauvages sont nés, les déchets polluent les bords des routes, les vallées et les cours d’eau, a-t-il poursuivi. Il faut se décider pour un site de décharge en attendant que les sociétés qui auront remporté l’appel d’offres commencent leur travail. »