Muriel ROZELIER, « Le Commerce du Levant » Entre 2009 et 2014, les chauffe-eau solaires sont passés de moins de 1 % à 13 % des installations retenues par les Libanais, de préférence aux solutions électriques. Un succès qui s’explique par l’émergence d’un écosystème favorable, selon une récente étude de l’Onu. Au Liban, le solaire s’avère très compétitif face aux énergies conventionnelles, et ses parts de marché sont en forte progression, même si leur niveau est encore faible : fin 2014, les chauffe-eau solaires représentaient 13 % des techniques retenues par les particuliers pour alimenter leur maison en eau chaude, contre moins de 1 % en 2009. Et les marges de croissance de ce marché sont encore importantes, dans un pays qui bénéficie de conditions climatiques idéales (300 jours d’ensoleillement par an en moyenne). Le Liban figure même désormais parmi les dix pays les plus prometteurs en matière de chauffe-eau solaires, selon l’Agence internationale pour l’énergie (AIE). Aujourd’hui, pour nombre de Libanais, le solaire est une alternative crédible à l’électricité, de toute façon rationnée. Il permet aussi de s’émanciper de la dépendance au « moteur » et de faire ainsi des économies. Ancien mauvais élève Pourtant, ce succès n’avait rien d’évident : en 2009, lorsque le Liban s’est engagé à ce que les énergies alternatives représentent 12 % de son mix énergétique global d’ici à 2020 (dans le cadre d’une convention internationale sur les changements climatiques), il faisait même partie des « mauvais élèves » de la classe. C’est du moins le constat du récent rapport « Chauffe-eau solaires, évaluation du marché et étude de cas : le Liban 2015 », publié en février dernier par le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue). Selon les estimations de cette étude, 93 % des particuliers se chauffaient à l’électricité en 2009, contre 4 % au gaz ; 2 % au diesel ; et seulement 1 % par d’autres moyens dont le solaire. Une hégémonie du tout électrique coûteuse pour l’État libanais, dont la facture énergétique pèse très lourd sur les finances publiques : le coût de production du kilowatt/heure (kWh) tourne autour de 0,171 dollar en moyenne alors que ce même kWh est vendu en moyenne autour de 0,1 dollar. De fait, en 2009, « le Liban se trouvait clairement à la traîne de pays de la région aux conditions climatiques similaires : en 2005, le marché des chauffe-eau solaires était évalué à 26 m2 pour 1 000 habitants, ce qui représentait un stock de 106 817 m2 de capteurs dont 16 000 m2 de chauffe-eau installés au cours de l’année. À partir de 2005, le marché a connu une croissance de 10 à 15 % par an, mais elle était difficilement soutenable, selon le Pnue, du fait des faiblesses intrinsèques au pays, comme l’absence de régulations, de certification ou de mécanisme de contrôle qualité, les difficultés d’approvisionnement, voire le manque d’incitations financières… » Plan quinquennal Pour pallier ces déficiences et permettre l’émergence d’un écosystème favorable, le Pnue et le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) lancent un plan quinquennal (2009-2014), dénommé « Global Solar Water Heating Market Transformation and Strengthening Initiative ». Six pays en bénéficient, dont le Liban, en partenariat avec le ministère de l’Énergie. Les objectifs sont clairs : installer 190 000 m2 de panneaux solaires sur la période. Une première étape avant le but ultime : un parc d’un million de m2 de capteurs solaires d’ici à 2020. Résultat ? Un franc succès. Fin 2014, le premier objectif est largement dépassé. Quant au second, il pourrait être atteint dès 2018, soit deux ans avant le terme fixé. « Une des raisons du succès de ce programme, c’est que ses créateurs ont su en faire une plateforme commune à l’ensemble des acteurs impliqués », se félicite le rapport. Une fois n’est pas coutume, l’État libanais a mis en place un ensemble de mesures complémentaires, dont des incitations financières pour les particuliers – notamment des prêts à taux préférentiels (voire à taux zéro). Au total, 18 millions de dollars de prêts avaient été consentis à fin 2013 ; et l’enveloppe a été revue à la hausse en 2014 avec un budget de 30 millions de dollars. En parallèle, un programme financé en partie par l’Union européenne a subventionné à hauteur de 200 dollars l’achat d’un chauffe-eau solaire (1 300 dollars en moyenne pour 200 litres et 3,6 m2 de panneaux installés). Ces incitations étaient nécessaires, affirme le Pnue, car le faible coût de l’électricité encourage peu le passage au solaire. Assemblage local Le succès du plan quinquennal tient aussi à son impact sur la filière libanaise, notent les auteurs du rapport. Le nombre de fournisseurs locaux de chauffe-eau solaires a été multiplié par cinq entre 2009 et 2013, passant d’une vingtaine à une centaine, soit environ 1 400 employés. En 2011, 13 % du matériel installé avait été assemblé au Liban ; certaines parties du système, comme les réservoirs, étant fabriquées localement. En 2013, cette part est passée à 29 % du marché. Que faire désormais pour renforcer le succès du solaire ? Les experts du Pnue envisagent plusieurs pistes. D’abord, l’amélioration des normes libanaises et la modernisation du code de la construction. Investir davantage dans la formation d’ouvriers qualifiés, capables de monter ou de réparer un chauffe-eau solaire. Enfin, la poursuite des incitations financières, mais cette fois en ciblant plutôt les entreprises. Un marché qui reste encore largement inexploré au Liban.