Nada MERHI| L’Orient Le Jour Sous l’effet de la chaleur et de l’humidité, l’amoncellement prolongé des ordures dans les rues favorise la transmission à l’homme de certains germes. Comme il exacerbe certaines maladies infectieuses et respiratoires. Cela fait plus d’un mois que le pays vit au rythme de la crise des déchets qui ne fait que s’envenimer depuis la fermeture de la décharge de Naamé, le 17 juillet, en l’absence d’une solution radicale et viable. Le spectacle des montagnes de déchets est sans aucun doute peu esthétique et dérangeant pour les yeux. Mais quid de la santé ? Le ministre titulaire Waël Bou Faour et le président de la commission parlementaire de la Santé, Atef Majdalani, ont respectivement mis en garde en début de semaine contre l’imminence d’« une grande catastrophe sanitaire », appelant à une solution rapide au problème. « Nous avons essentiellement peur de la prolifération des maladies qui sont transportées par les insectes et les rongeurs », explique à L’Orient-Le Jour le Dr Walid Ammar, directeur général du ministère de la Santé. « Plus la crise sévit, plus le risque augmente », ajoute-t-il. Le Dr Ammar explique que la pulvérisation des immondices par des pesticides est inutile. « Cela ne fait qu’augmenter la résistance des insectes et des animaux, note-t-il. De plus, lorsque les déchets sont brûlés de manière sauvage, les pesticides sont libérés dans l’air, et en hiver, ils peuvent s’infiltrer dans la nappe phréatique. » Ce qui augmente les risques pour la santé. « Les pesticides ne sont pas efficaces contre les ordures, insiste le Dr Ammar. Nous conseillons aux citoyens de les utiliser dans le périmètre de leurs domiciles après avoir nettoyé le terrain. Ils peuvent aussi les utiliser chez eux. Il ne faut pas non plus oublier que l’hygiène personnelle est très importante. Il est également conseillé de ne pas laisser traîner les aliments à l’air libre. » « Ces germes vont proliférer… » Quelles maladies risque-t-on avec la persistance de la crise ? « Le plus grand danger que nous encourons, c’est la prolifération des germes, notamment la salmonelle, la schigelle et le colibacille », explique le Dr Jacques Mokhbat, spécialiste en maladies infectieuses. « Ces germes sont contenus dans les déchets et proviennent soit des aliments, soit des déchets humains et animaux, poursuit-il. Sous l’effet de la chaleur et de l’humidité et avec l’accumulation des ordures, ces germes vont proliférer, s’infiltrer dans le sol, contaminant ainsi la nappe phréatique. Ils peuvent aussi être transportés par les cours d’eau et contaminer la côte, comme ils peuvent être transportés par les pattes des insectes qui vont les déposer sur les aliments. D’où la nécessité de toujours garder les aliments à l’abri des insectes. » Le Dr Mokhbat souligne que cet amoncellement de déchets va également entraîner une prolifération des insectes et de plusieurs animaux, notamment les chats, les chiens errants et les rongeurs. « Ces animaux sont porteurs de leurs propres germes, poursuit-il. Les piqûres d’insectes transmettront à l’homme ces germes, notamment le typhus murin, une maladie infectieuse qui se caractérise par une fièvre et une éruption cutanée. La maladie n’est pas dangereuse d’un point de vue médical, mais elle est dérangeante. » Sur le plan médical, la multiplication des germes va entraîner des infections qui sont principalement d’ordre gastro-intestinal, comme les gastro-entérites, des fièvres entériques ou fièvres typhoïdes, ainsi que des fièvres éruptives comme le typhus murin. « À l’heure actuelle, le risque de choléra est à éloigner, les facteurs favorisant le développement de cette infection intestinale n’étant pas réunis », rassure le Dr Mokhbat. Gaz toxiques Les maladies respiratoires ne sont pas non plus à écarter. Sous l’effet de la chaleur, l’entassement prolongé de ces déchets va entraîner une émanation de gaz toxiques qui vont exacerber les crises d’asthme et la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO – une maladie respiratoire chronique caractérisée par une obstruction permanente et progressive des voies aériennes qui se rétrécissent). À tous ces dangers s’ajoute celui posé par l’incinération sauvage des déchets, qui continue à être pratiquée par certaines municipalités, malgré les mises en garde répétées du ministère de la Santé et des spécialistes. Or cette forme d’incinération représente un risque accru pour la santé. La pneumologue avait alors expliqué que «l’incinération sauvage des déchets entraîne des émanations de dioxine et de monoxyde de carbone (CO), qui sont des gaz toxiques, notamment si la combustion est incomplète ». Une exposition prolongée à ces gaz va entraîner une irritation de l’appareil respiratoire, provoquant ainsi une toux et une exacerbation de la BPCO et de l’asthme. La spécialiste avait également précisé qu’« une exposition répétée et chronique à ces gaz toxiques peut créer une altération de l’immunité et peut être cancérigène ».