Sportif accompli et esprit aventureux, Patrick Deixonne traverse l’Atlantique à la rame en 2009 lorsqu’au milieu de l’océan, il percute un gros morceau de plastique, un choc qui le stupéfie et va changer le cours de sa vie. Guide dans la forêt guyanaise, cet amoureux de la mer ne tardera pas à se lancer dans l’exploration des immenses plaques de déchets plastiques qui tournoient dans les océans. «C’est quand même pas banal d’être au milieu de l’Atlantique, si loin des côtes, et de percuter des objets en plastique», explique ce grand gaillard de 50 ans, ancien sapeur-pompier de Paris et rugbyman. «Ca m’a interpellé». Il est depuis quelques années déjà installé en Guyane, département français d’outre-mer pour lequel il a «eu un coup de foudre». Il y organise des stages de survie, des expéditions pour touristes –«on part en hélico de Cayenne, on atterrit sur un rocher au milieu de la forêt, on rentre à pied». Patrick Deixonne nourrit «une vraie passion pour la nature» et la Guyane lui apparaît comme une terre d’aventures, le faisant échapper à l’«avenir pas très exaltant» auquel le destinait, pense-t-il, son CAP de mécanicien. Les bons connaisseurs de la forêt sont rares. Il est vite sollicité par des organismes de recherche, comme le CNRS ou le Muséum d’histoire naturelle, pour encadrer leurs expéditions dans ce milieu inhospitalier. Un jour, «un explorateur» le sollicite pour assurer la logistique d’une expédition. «C’est lui qui m’a donné envie de faire ce métier, ça faisait rêver», raconte-t-il. Fort de son parcours «un peu hors normes», dont un Dakar-Cayenne à la rame en 46 jours, 7 heures et 27 minutes, Patrick Deixonne devient membre de la très fermée Société des explorateurs français. Une formidable carte de visite pour qui veut monter ses propres missions. Les récits du navigateur américain Charles Moore sur les plaques de déchets de plastiques dans les océans le passionnent. «Si tu ne me crois pas, va voir sur place», lui lance Moore. Ce qu’il fait: en 2013, dans le Pacifique Nord, l’expédition lancée par Patrick Deixonne avec très peu de moyens «tombe nez à nez» avec la pollution au plastique. L’ampleur de ce «7e continent» consterne cet homme qui a «toujours aimé la mer». Enfant déjà, à Sigean, petite ville de l’Aude située au bord d’un étang où ses parents tenaient un restaurant, Patrick Deixonne était «plus souvent sur l’eau qu’à école». «Depuis tout petit, je suis sur les bateaux. J’avais construit un radeau, j’avais un goéland apprivoisé, je partais» sur l’étang, raconte-t-il, désormais skippeur professionnel. Explorer les plaques de plastique qui tournoient sur des centaines de milliers de kilomètres carrés dans les océans, perturbant les écosystèmes, devient sa priorité. Mais il veut aussi sensibiliser le public, et avant tout les enfants, à cette pollution «qui est loin, que personne ne voit». «L’explorateur, c’est les yeux du grand public. Mon rôle est de montrer ce que les gens ne peuvent pas voir», explique-t-il. «Notre génération a vécu avec le plastique et ne s’est jamais inquiétée de savoir où il finissait», déplore ce père de deux enfants. «On est en train de plastifier les océans». Selon une étude parue en 2014 dans la revue américaine Plos One, près de 269.000 tonnes de déchets de plastiques flottent à la surface des mers. Avec l’association 7e Continent, Patrick Deixonne, désormais installé en Martinique, mène des missions scientifiques avec de petites équipes composées de personnes venues d’horizons différents, pas seulement des chercheurs. Car comme autrefois le célèbre commandant Jacques-Yves Cousteau, il veut à la fois faire de la recherche, sensibiliser le public et «raconter des aventures». «Cousteau nous a appris à être curieux», dit-il. «J’ai envie de dire aux gens: Redevenez curieux !» AFP