Le changement climatique est la dernière chose à laquelle pense Maya Puspita Sari en mangeant un steak et des glaces, naguère un luxe pour des millions d’Indonésiens. Pourtant, l’explosion en Asie de la consommation de ces produits issus de l’élevage est une très mauvaise nouvelle pour la planète. Nulle part ailleurs l’appétit n’est aussi grand qu’en Asie, où de nouvelles classes moyennes se développent rapidement et consomment des produits d’origine animale comme jamais auparavant, à la faveur de l’augmentation des revenus et du changement des habitudes alimentaires. C’est le cas avant tout en Chine et en Inde, mais aussi en Indonésie. Pour des Indonésiens comme Sari, une comptable de 31 ans habitant la cosmopolite capitale indonésienne Jakarta, sur la grande île de Java, les produits agricoles autrefois rarement consommés en dehors des grandes fêtes religieuses sont désormais disponibles en quantités abondantes. Sari a grandi à la campagne et mangeait alors de la viande rouge une ou deux fois par an. «Maintenant, la viande n’est plus un luxe et le choix est tellement grand», raconte-t-elle à l’AFP. «Et à Jakarta, vous trouvez toutes sortes de glaces, yaourts et autres produits laitiers. C’est super.» Christabelle Adeline Palar, 25 ans, se souvient à peine avoir mangé de la viande quand elle était enfant, mais aujourd’hui, «c’est toujours de la viande, sauf les jours où je dois être un peu plus économe», dit-elle. Une bonne nouvelle pour les classes moyennes des pays émergents. Bien moins pour la planète. Le secteur de l’élevage représente en effet actuellement 14,5% des émissions de gaz à effet de serre, à l’origine du changement climatique, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), soit plus que les gaz émis par le secteur du transport. Les ruminants émettent d’importantes quantités de méthane, un gaz provenant des flatulences des bovins, plus de 20 fois plus puissant que le dioxyde de carbone. Le protoxyde d’azote, autre important gaz à effet de serre, est lui relâché par le fumier et les engrais dans les sols agricoles. Et ces émissions devraient s’accroître considérablement car la consommation de viande et de produits laitiers devrait bondir respectivement de 76% et 65% d’ici à 2050, prédit la FAO. Les 250 millions d’Indonésiens consomment moins de viande que leurs voisins asiatiques – en moyenne 2,7 kg/personne/an, contre 8 kg pour la Malaisie – mais d’ici à 2021, prédit le groupe de réflexion londonien Chatham House, l’Indonésie figurera parmi les dix pays enregistrant la plus forte croissance en consommation de bœuf, poulet et porc. Quant au marché laitier, le potentiel dans la première économie d’Asie du Sud-Est est «énorme», renchérit l’Association indonésienne des producteurs de lait. Le géant laitier néo-zélandais Fonterra voit dans l’Indonésie l’un de ses plus importants marchés, alors que 90% des produits laitiers en Indonésie sont importés, surtout de Nouvelle-Zélande et d’Australie. Les producteurs locaux profitent toutefois eux aussi de la hausse de la consommation. «Notre famille avait seulement une vingtaine de vaches quand j’ai emménagé ici, maintenant nous en avons 70», raconte Rahmat, qui produit du lait dans la banlieue de Jakarta. En Indonésie, la hausse de la consommation d’animaux d’élevage devrait avoir aussi des effets indirects nocifs pour le climat: plus de bétail signifie plus d’exploitations agricoles et donc une possible augmentation de la déforestation, déjà forte pour répondre à la demande en huile de palme, papiers et riz. L’Indonésie se prive ainsi – et prive la planète – d’un précieux puits de carbone, les arbres captant le CO2 dans l’atmosphère. Cette année, les feux agricoles et de forêts illégaux en vue d’étendre les plantations ont provoqué d’énormes dégagements de fumée qui se sont étendus à plusieurs pays d’Asie du Sud-Est, relâchant certains jours davantage de gaz à effet de serre que toute l’activité économique des Etats-Unis. Comme l’a souligné Chatham House dans un rapport publié l’an passé, le changement de régime alimentaire est fondamental pour que le réchauffement de la planète ne dépasse pas 2°C — une limite que s’est fixée la communauté internationale, et un seuil au-delà duquel les scientifiques jugent que le monde s’expose à un bouleversement des espèces ou encore du niveau des mers, avec, surtout, un risque de réactions en chaîne accélérant encore ces impacts. Mais la prise de conscience du problème par la population est lente. Et il paraît difficile de la convaincre de manger moins de viande et de yaourts pour prévenir le réchauffement de la planète, observent des ONG. «Notre public ne comprend même pas le lien entre feux de forêts et émissions, sans parler de la consommation de viande», explique à l’AFP Nyoman Iswarayoga, de WWF Indonésie. «Changer les modes de vie et les mentalités prend du temps.»   AFP

Publisher: Lebanese Company for Information & Studies
Editeur : Société Libanaise d'Information et d’Etudes
Rédacteur en chef : Hassan Moukalled


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