De l’aréopage sans précédent de chefs d’Etat et de gouvernement au coup de maillet final sous les vivats de délégations de 195 pays: l’avenir du climat mondial s’est en partie joué en 13 jours au Bourget. «Vous ne pouvez pas vous permettre d’être indécis, de prendre des demi-mesures, l’histoire vous interpelle». A la tribune, le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, vient de résumer l’enjeu de la COP21 qui démarre, ce 30 novembre. L’immense salle aux parois de bois, où des écrans géants retransmettent les discours, est pleine à craquer: négociateurs du monde entier, qui bûchent sur le fameux accord depuis des années, ONG environnementales, journalistes… L’heure est à «l’impulsion politique» avec les discours volontaires et parfois lyriques des dirigeants du monde dont, excellent signe, les présidents des deux premiers pays pollueurs. Le Chinois, Xi Jinping, évoque une «mission dont l’ensemble de l’humanité doit se saisir», quand l’Américain Barack Obama assure que le monde est «en mesure de changer l’avenir, ici». «Ici», c’est le parc des expositions du Bourget, à quelques encablures de Paris: une micro ville-monde où les délégués de la Barbade fument une cigarette au côté de ceux de la Norvège et du Bangladesh, avec une banque, des restaurants -on peut y manger italien comme une raclette-, où l’électricité fait fonctionner les voitures et où les gobelets en plastique sont consignés un euro. Chaque jour, des dizaines de milliers de personnes passent les portiques de sécurité pour négocier, mais aussi parler transition énergétique et solutions de demain… Mais le point focal est un texte de négociations de 55 pages qui comprend 200 options et 1.200 expressions entre crochets. Comme le résume le président français François Hollande, «soit on charge la barque et elle coule», parce que des pays importants refusent de signer, «soit on l’allège et elle va nulle part», parce le texte est trop faible à force de compromis. Le début des négociations est laborieux, et le président de la COP21, le chef de la diplomatie française Laurent Fabius, appelle à «accélérer». Le texte est finalement allégé au cours de la première semaine, et les ministres qui prennent le relais le lundi travailleront sur un projet d’accord de 48 pages. Mais le plus dur reste à faire, et les dossiers épineux sont bien connus, comme le partage des rôles entre pays en développement et développés, et l’aide financière aux pays du Sud. Certaines propositions de compromis font bondir, comme la formule avancée par les pays du Nord pour ne plus être les seuls à mettre la main au portefeuille, et qui demandent aux «pays en position de le faire» de participer. «A mes enfants, je leur dis: +vous allez ranger votre chambre+, pas:+Y a-t-il quelqu’un en position de le faire+?», s’emporte alors la pétulante représentante du G77 + Chine, le groupe des pays en développements, la Sud-Africaine Nozipho Mxakato-Diseko. Pour autant, du représentant cubain au brésilien, en passant par les Européens, toutes les délégations saluent unanimement «l’ambiance constructive» insufflée par la présidence de la COP. Laurent Fabius organise le travail en sous-groupes, réunions informelles, bilan public des progrès réalisés, et tutoie ses homologues qu’il appelle par leurs prénoms. Sans éclat de voix, ni crise ouverte, la COP21 est très loin de la dramaturgie habituelle des conférences sur le climat. L’énorme travail réalisé en amont par l’équipe française est avancé pour expliquer l’atmosphère cordiale. Mais personne ne veut aussi apparaître comme celui qui a fait échouer la conférence de Paris, explique Pierre Radanne, ancien négociateur français et conseiller de pays africains. «Donc personne ne l’ouvre!». Un premier projet d’accord de 29 pages est remis le mercredi, accueilli fraîchement par des pays développés, et des émergents dont le porte-parole, le Malaisien Gurdial Singh Nijar lance, ironique, à un Laurent Fabius fatigué: «votre texte est peut-être équilibré: tout le monde est mécontent». Une nouvelle mouture sort le jeudi soir: 27 pages et 48 options et comme à chaque nouvelle publication, ONG et journalistes se ruent sur le document pour repérer les différences. La nuit est à nouveau longue. «Boum», l’Arabie Saoudite conteste les objectifs de température. «Gloups», le Venezuela prend à son tour la parole…, écrit sur twitter un député belge qui suit les discussions nocturnes. La fatigue apparaît sur les visages. «D’habitude, je ne négociais qu’un point précis, là, on doit aller jusqu’au bout du texte», confie un négociateur français. Laurent Fabius continue à imposer son tempo. Vendredi matin, il se dit «sûr» que le projet d’accord final qu’il présentera le lendemain «sera approuvé». Il poursuivra ses consultations jusqu’à 03H00 du matin. La proposition de texte final est finalement entre toutes les mains samedi à 12H00, et la plénière d’adoption s’ouvre à 18H00 entre sourires et soulagement. Laurent Fabius rentre, mais ressort quelques minutes plus tard… Un «shall» (doit) s’est glissé dans l’article 4 à la place d’un «should» (devrait), au grand dam des Américains. Après deux heures d’incertitude, et de rumeurs sur un texte qui serait brusquement remis en cause, le point litigieux est corrigé et l’accord «historique» de Paris adopté sous les applaudissements. AFP