Les voisins de la Belgique sont de plus en plus préoccupés par les réacteurs nucléaires belges, dont certains ont été prolongés pour dix ans tandis que d’autres viennent péniblement de redémarrer malgré la découverte de fissures dans leurs cuves.

A Nieuw-Namen, petite ville néerlandaise située sur la frontière belge, les tours de refroidissement fumantes de la centrale de Doel (nord de la Belgique), à 10 km de là, font partie du paysage.

« Ce qui m’inquiète, c’est que les réacteurs sont trop vieux », confie Filip van Vlierberge, le boucher de Nieuw-Namen. « Je suis content que les Pays-Bas, l’Allemagne et le Luxembourg réagissent, car les autorités (belges) ne nous écoutent pas sinon ».

Le gouvernement belge a récemment prolongé de dix ans la durée de vie de trois réacteurs quadragénaires : deux à Doel, le troisième à Tihange (sud-est).

Deux autres réacteurs du parc nucléaire belge ont été arrêtés pendant plus de 20 mois après la découverte de fissures dans la paroi de leurs cuves en 2012. Le gendarme du nucléaire belge, l’AFCN, a finalement autorisé leur redémarrage cet automne, après avoir conclu –batteries de tests et avis d’experts indépendants à l’appui– que ces fissures ne présentaient pas de risque.

Ces deux décisions ont été vivement critiquées par des responsables régionaux écologistes en Allemagne et des députés européens. Une série d’incidents (incendie dans un tableau électrique, fuite d’eau dans un générateur, problème d’alternateur), lors de la relance, en décembre, de quatre de ces réacteurs, est venue alimenter les craintes.

A tel point que la ministre fédérale allemande de l’Environnement, Barbara Hendricks, a écrit la semaine dernière à l’AFCN pour demander des éclaircissements sur les cuves fissurées. Fin décembre, elle avait qualifié de « rafistolage » la gestion des incidents par l’exploitant Electrabel (filiale du français Engie).

Lundi, le ministre belge de l’Intérieur Jan Jambon reçoit le secrétaire d’Etat luxembourgeois au Développement durable, Camille Gira, qui a exprimé ses « préoccupations sur les déficiences constatées dans la centrale nucléaire de Tihange ».

Mercredi, M. Jambon effectuera une inspection de la centrale de Doel avec la ministre néerlandaise de l’Environnement Melanie Schultz, une première. Une visite similaire à Tihange a été proposée à l’Allemagne.

Electrabel et l’AFCN rappellent que les incidents de fin décembre ont affecté les parties non nucléaires de chacun des réacteurs et qu’ils se sont produits en phase de démarrage, après des arrêts de longue durée, ce qui en fait toujours des « opérations sensibles ».

« C’est une perception erronée de dire qu’il y a plus d’incidents aujourd’hui que par le passé, il y en a plutôt moins que les années précédentes », assure Florence Coppenolle, directrice de la communication d’Electrabel.

Quant aux fissures, « on a redémarré après un audit d’un bureau d’études américain qui a garanti l’intégrité structurelle des cuves », précise Mme Coppenolle.

Le problème, aux yeux de Greenpeace, est que ces fissures sont apparues dans « l’une des parties les plus vulnérables » de la centrale. « Si le coeur du réacteur a un problème, on a un accident du genre Tchernobyl ou Fukushima », prévient Eloi Glorieux, de Greenpeace.

Sauf qu’en cas de telle catastrophe, les conséquences sur la population seraient bien plus élevées dans un pays aussi densément peuplé que la Belgique.

Vendredi, le conseil scientifique de l’AFCN a préconisé, pour la première fois, que les autorités distribuent à l’ensemble de la population belge des comprimés d’iode à ingérer en cas de fuite radioactive.

Doel se trouve à 15 km du grand port d’Anvers. Tihange à 20 km de Liège, 40 km de Maastricht (Pays-Bas) et 60 km d’Aix-La-Chapelle (Allemagne).

Ces deux dernières villes envisagent des actions en justice contre la Belgique pour qu’elle améliore la sécurité de ses centrales nucléaires, voire exiger leur fermeture.

Chez Electrabel, on regrette « un manque de perspective ».

« Les Néerlandais ont prolongé de 20 ans leur réacteur nucléaire à la frontière belge (à Borssele, jusqu’en 2033, ndlr) », fait valoir Mme Coppenolle. « Quant aux Allemands qui brûlent allègrement du charbon et du lignite, ils ont 9 réacteurs en activité jusque 2022 ».

A Nieuw-Namen, Peter, docker à Anvers, pense que « les gens sont un peu effrayés » par les problèmes dans les sept réacteurs belges. Pour lui, le plus « incompréhensible » reste un acte de sabotage jusqu’ici non élucidé dans le quatrième réacteur de Doel, qui a entraîné une fuite d’huile et sérieusement endommagé la turbine à vapeur en août 2014.

La justice n’exclut aucune piste, y compris un acte de terrorisme ou de « vengeance ».

 

AFP

 

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