L’Orient Le Jour| S. N.
La commission ministérielle chargée d’élaborer une solution à la crise des déchets a tenu hier en soirée une réunion de près de quatre heures, présidée par le Premier ministre, Tammam Salam, en présence des ministres Akram Chehayeb, Arthur Nazarian, Ali Hassan Khalil, Hussein Hajj Hassan, Nouhad Machnouk, Nabil de Freige et Élias Bou Saab, et du président du Conseil du développement et de la reconstruction, Nabil Jisr.
La réunion avait été décidée à l’issue de la séance de dialogue national, hier, ce qui a donné l’impression qu’une solution au dossier des déchets était proche. D’ailleurs, au terme d’un entretien, en fin de journée, avec le Premier ministre, le chef du courant du Futur, Saad Hariri, a déclaré que « le problème des déchets doit être résolu au plus vite, à mon avis au cours des prochains jours ».
Même climat d’optimisme au niveau du ministre Nouhad Machnouk qui a déclaré à son arrivée au Grand Sérail : « Je pense qu’il y aura une solution à la crise des déchets aujourd’hui (hier). »
Le Premier ministre s’était abstenu au cours des derniers jours de réunir le Conseil des ministres ou la commission, tant l’impossibilité d’une solution lui était devenue « oppressante », rapportent ses visiteurs.
Mais la réunion d’hier ne semble pas avoir réussi à alléger cette gêne. « Nous n’avons fait qu’échanger des palabres sur les possibilités de dépotoirs », a rapporté à L’Orient-Le Jour une source de la réunion.
Rappelons que la solution envisagée, dans sa première phase, porte sur l’aménagement d’au moins trois dépotoirs devant desservir Beyrouth et ses environs. De ces trois dépotoirs envisagés, mais non encore approuvés, l’on ne connaît que deux : le site de Costa Brava et le littoral de Bourj Hammoud, devant bénéficier d’un projet de réhabilitation, inspiré du projet Linor.
Une source de la réunion s’est abstenue de s’exprimer sur le troisième site envisagé (« il y en a plusieurs, en cours d’examen »), tout en démentant que la réouverture du dépotoir de Naamé soit une option. « Il n’en est plus question », a-t-elle lancé.
Plus d’un participant a exprimé son optimisme en ce qui concerne l’aménagement de dépotoirs à Bourj Hammoud et Costa Brava, un optimisme contrebalancé par les doutes des autres.
Le ministre Nazarian a ainsi révélé que le Tachnag « accepte en principe l’aménagement d’un dépotoir à Bourj Hammoud, mais à condition que les contreparties soient suffisamment bénéfiques ».
De son côté, Hussein Hajj Hassan a précisé qu’ « il y a deux sites qui ne posent plus problème, et il en reste un ». Plus tôt dans la journée, lors d’une cérémonie à Baalbeck, il avait plaidé pour les incinérateurs modernes, bénéficiant d’une décision du gouvernement prise en 2010. Notons que les incinérateurs sont évoqués par de nombreux politiques comme des solutions à long terme.
Une source à la réunion, elle aussi favorable aux incinérateurs, s’est toutefois montrée sceptique quant à l’aboutissement prochain d’une solution au problème des déchets.
Selon elle, le site de Costa Brava continue de poser problème, tant il semblerait difficile pour le député Talal Arslane de revenir sur le refus catégorique qu’il avait opposé à l’idée d’un dépotoir aménagé sur ce site.
Preuve de ce refus, M. Arslane a proposé hier, à la table de dialogue à Aïn el-Tiné, une alternative au site de Costa Brava : un terrain de 50 000 mètres carrés situé à Choueifate, dont la municipalité de Beyrouth détient la propriété. Ce terrain serait, selon lui, propre à accueillir une usine moderne de traitement des déchets de toute la banlieue de Beyrouth et des villages avoisinants, comme le rapporte notre correspondante Hoda Chédid. M. Arslane a délégué à la réunion de la commission, Marwan Kheireddine, qui a exposé cette alternative.
Néanmoins, certains participants à la réunion ont jugé ces possibilités « peu cohérentes ».
« Il y a une grande perte de temps », a renchéri l’un d’eux à L’OLJ, faisant allusion à « des louvoiements délibérés ». « Quand on ne veut pas trouver de solutions, on n’en trouvera pas », a-t-il ajouté, en espérant toutefois que « mes doutes ne soient pas confirmés ».
Une nouvelle réunion de la commission a été fixée à aujourd’hui, 17 h 30. « Cette réunion sera sans doute fatidique », a-t-il ajouté, n’écartant pas la possibilité d’une démission du Premier ministre, en cas de nouvelle impasse.
Une source autorisée précise que la réunion ministérielle n’a pas réussi à conforter réellement le Premier ministre, contrairement à ce qui a pu être rapporté dans les médias. La perspective de sa démission a été d’ailleurs critiquée hier par M. Hajj Hassan. « Il est du devoir du gouvernement de poursuivre ses travaux jusqu’au bout. Le cabinet ne peut démissionner de ses fonctions. Le président Salam est un homme rationnel et sage. Nous trouverons une solution avec les dépotoirs », a affirmé le ministre du Hezbollah.
« Les promesses sont nombreuses, mais la franchise l’est moins », avait affirmé pour sa part M. Chehayeb, à l’issue d’une visite à l’ancien président de la République, Michel Sleiman. Et, avant de prendre part à la réunion de la commission, il a donné le ton d’une possible démission. « Si nous ne sortons pas de la réunion avec des résultats positifs, vous ne nous verrez plus ici », avait-il lancé aux journalistes. Au final, si aucun élément d’une solution définitive n’a émané hier, l’urgence s’en fait ressentir de plus en plus. Des contacts avec les autorités concernées, menées notamment par le chef du courant du Futur, le président de la Chambre et le Parti socialiste progressiste, se sont poursuivis hier en soirée.
Mais l’opacité de la réunion et l’incertitude de ses aboutissements n’ont fait qu’attiser la colère de la rue. Des jeunes des rassemblements « Nous demandons des comptes », « Le peuple veut réformer le système », « I am in », et « La mouvance civile démocratique » ont manifesté hier devant le Grand sérail, à l’heure de la réunion de la commission ministérielle. Dans la foulée, certains protestataires se sont même rués sur les fils barbelés, qui encerclent la place Riad el-Solh, dans une tentative de les démanteler. Les manifestants avaient entamé une procession de la caserne Hélou jusqu’à arriver à la place Riad el-Solh. Ils ont appelé à une nouvelle marche le 12 mars, de la place Sassine à Achrafieh, à 16 heures, jusqu’à la place Riad el-Solh.