Vincenzo Crupi, installé à Amsterdam, est soupçonné par la police d’avoir dissimulé de la drogue dans des bouquets qu’il envoyait à la Ndrangheta.

Les « bulbes de tulipe ». C’est ainsi, selon l’accusation, que les mafieux désignaient la drogue, importée d’Amérique du Sud et camouflée des années durant dans des cargaisons de fleurs à destination de l’Italie. L’agence Reuters vient de publier lundi 11 avril une enquête très instructive, qui éclaire d’un jour nouveau les réseaux tentaculaires de la Ndrangheta, célèbre mafia du sud de l’Italie. Chantre de l’extorsion de fonds et des kidnappings dans les années 70, l’organisation avait diversifié ses activités dans le trafic de cocaïne à la fin du XXe siècle, avant d’en devenir le principal importateur enEurope. Elle serait aujourd’hui présente dans une douzaine de pays sur les cinq continents.

Deux fleuristes d’Amsterdam d’une cinquantaine d’années sont aujourd’hui accusés par les juges italiens antimafia d’avoir permis l’essor de ce trafic. Le premier, Vincenzo Crupi, est marié à la fille de Ntoni, véritable symbole vivant du crime italien. Le gangster, né en 1902, a régné sur la Ndrangheta jusqu’à son assassinat en 1975. Le deuxième, Vincenzo Macri, âgé lui aussi de 51 ans, est le fils du célèbre parrain. Selon les investigations de Reuters, Crupi aurait commencé son business dans la banlieue d’Amsterdam dans les années 1990, avant d’être rejoint par son beau-frère en 2002. Ce dernier est alors bien connu de la justice : il sort tout juste d’une condamnation de treize ans aux États-Unis pour trafic de stupéfiants.

La couverture idéale pour la Ndrangheta

Les deux hommes n’éveillent pour autant pas les soupçons. Discrets et en aucun cas bling-bling – ils vivent dans la banlieue d’Amsterdam et ne sortent que de temps en temps dans les restaurants côtés de la ville –, les deux Vincent arrivent tôt au travail et en partent tard. Deux businessmen « ordinaires », notent les policiers. Crupi mène les affaires, Macri est chargé du recouvrement des factures. En réalité, selon les magistrats italiens, Crupi a lancé « un business de fleurs parce que c’était la couverture idéale pour la Ndrangheta pour lui permettre d’écouler de la drogue à travers les mers ». Amsterdam est en effet idéalement situé pour réceptionner la schnouf du Venezuela ou d’Amérique du Sud, avant de la réexpédier discrètement vers l’Europe. Leur vraie profession est quasiment indécelable. Questionnés par Reuters, plusieurs salariés ont encore aujourd’hui du mal à croire les charges qui pèsent sur Crupi, leur ancien patron : « Si c’est vrai, alors il est meilleur acteur que Robert De Niro et Al Pacino réunis. »

Au milieu des années 2000, la société de Crupi envoie environ un camion par jour en Italie. Le volume a ensuite décru, selon les autorités, mais la société continuait à envoyer plusieurs bennes par semaine. On imagine ce que cela peut représenter en termes de poids de cocaïne. Dans les conversations téléphoniques écoutées par la police, les deux Vincent parlent en dialecte calabrais et en langage codé pour désigner les opérations futures. Chacun a son surnom : le « joufflu », le « brigand », « l’élu ». Macri a le sien : « pumadoru », de l’italien « pomodoro » qui signifie tomate. Après une surveillance de plusieurs mois, la police a enfin lancé un vaste coup de filet. Une cinquantaine de personnes ont été arrêtées dans ce dossier depuis l’été 2014. Vincenzo Crupi dort en prison, où il clame son innocence. Macri est toujours activement recherché. Pour la police italienne, il s’agit d’un des plus gros coups portés à la mafia ces dernières années.

 

Lepoint Fr

 

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