Il a passé deux mois seul sur Tévennec, ilot rocheux au large du Finistère sur lequel se dresse un vieux phare. Marc Pointud, ardent défenseur de ces édifices emprunts d’histoire, en est revenu jeudi avec la fierté d’avoir alerté sur l’urgence de leur restauration.
« Bonjour, ici Marc Pointud, je quitte Tévennec », annonce-t-il via VHF au sémaphore de la pointe du Raz, quelques instants après avoir quitté l’îlot à bord d’un zodiac, non sans mal cependant en raison d’une forte houle.
« Ca a été une très belle expérience! », assure à son arrivée à Audierne le président de la Société nationale pour le patrimoine des phares et balises (SNPB), après avoir passé 69 jours à la merci des éléments. « Le monde entier connaît Tévennec maintenant », ajoute-t-il, alors que l’aventure de cet homme de 64 ans à été largement relayée dans les médias.
« C’est un endroit extraordinaire. C’est difficile d’y aller et d’en revenir. Mais une fois qu’on y est, c’est le paradis sur mer », assure-t-il encore sans se départir d’un large sourire.
Allumé en 1875 pour baliser les approches du raz de Sein, une zone de violents courants parsemée d’îlots à fleur d’eau où de nombreux marins ont perdu la vie, le phare de Tévennec se dresse à 17 mètres au-dessus du niveau de la mer.
L’édifice, une maison d’une cinquantaine de mètres carrés, entourée d’une terrasse et dotée d’un four à pain, n’était plus habité depuis 1910 lorsque qu’il fut automatisé.
Il s’agit de l’unique maison-phare construite en pleine mer en France. Un lieu que la légende dit hanté.
« Je n’ai vu personne. Pas de fantômes, mais j’ai entendu des bruits trois-quatre nuits de suite », relate très sérieusement Marc Pointud, avant d’assurer que ces bruits ont forcément une explication.
Vingt-trois gardiens se sont succédé sur Tévennec en 35 ans. Beaucoup ont démissionné, certains y sont morts et d’autres sont devenus fous. Cinq couples y ont résidé tour à tour à partir de 1897. L’un d’entre eux, les Quéméré, y vécut cinq ans, de 1900 à 1905, avec une vache laitière.
« Les hivers étaient effrayants et c’est maintes fois que nous dûmes hisser le pavillon noir afin de demander du secours pour des barques en détresse. L’hiver 1903 fut particulièrement terrible (…). Tout autour de nous ce n’était qu’un bouillonnement de lames et d’écume », témoigna l’épouse.
« Les vagues passaient par-dessus la maison, il y avait de l’eau sur la terrasse et des bruits et des explosions partout », se souvient Marc Pointud au sujet de la tempête vécue sur l’îlot le soir de Pâques, avant de poursuivre sur le mauvais état des lieux.
« Tout est en mauvais état, mais le gros problème c’est le toit qui fuit », détaille-t-il, disant avoir été contacté par des mécènes potentiels.
« L’eau passe dans les murs, qui sont pleins d’eau. Il y a de l’humidité tout le temps. Donc les poutres ont commencé à pourrir, les planchers pourrissent petit à petit. Le bâtiment s’en va si on ne fait rien », prévient-il.
Pour tenir deux mois, Marc Pointud avait apporté de la nourriture, de l’eau potable et même un panneau solaire, pour avoir de l’électricité.
« Je suis admiratif de ce qu’il a fait pour sensibiliser les gens au fait qu’il faut entretenir les phares, même s’ils ne sont plus gardiennés », a témoigné Michel Plouhinec, 60 ans, ancien gardien de phare, notamment celui d’Ar-Men, à l’ouest de l’île de Sein.
Une convention d’occupation du phare de Tévennec a été signée en 2011 pour une durée de 10 ans entre l’Etat et la SNPB. Une fois restauré, Marc Pointud rêve d’y installer une maison d’artistes.
AFP