Depuis des décennies en Colombie, le conflit armé a rendu de vastes régions inaccessibles aux chercheurs en biodiversité, mais la perspective de la paix les incitent à se préparer pour aller étudier de nouveaux écosystèmes, voire découvrir des espèces inconnues.

En 2004, l’ornithologue Diego Alarcon explorait la Sierra du Perija, dans le nord-est, lorsque des guérilleros des Farc l’ont séquestré, avec un autre biologiste et leur guide.

Pendant ses trois mois de captivité, il a dû marcher avec les rebelles sur des centaines de kilomètres dans la jungle, de campement en campement. Et il a découvert de nombreuses espèces d’oiseaux. En cachette, il prenait des notes sur du papier à cigarette.

«Il n’a jamais cessé de faire son travail de biologiste», raconte à l’AFP Lina Tono, auteure de la thèse «Bestiaire de la guerre et de la paix en Colombie», qui inclut l’histoire de Diego Alarcon.

D’autres ont eu maille à partir avec des narco-trafiquants. Brigitte Baptiste a dû s’enfuir en courant un jour qu’elle faisait des recherches en Amazonie, sur les berges de l’Inirida. Elle s’était approchée d’un laboratoire de fabrication de cocaïne. «Ils nous ont sortis à coups de fusil !», se souvient cette biologiste, directrice de l’Institut d’investigation sur la biodiversité Alexander von Humboldt.

Des chercheurs ont aussi été victimes de bandes criminelles, tels Margarita Gomez et Mateo Matamala, étudiants en biologie et en ingénierie environnementale, assassinés en 2011 dans les mangroves de San Bernardo del Viento (nord).

«Cela arrive aux gardes des parcs nationaux qui sont toujours sur le terrain et aux chercheurs un peu aventureux, qui ne calculent pas les risques et ne réalisent pas que dans ce pays, il y a un conflit, un conflit armé et que c’est grave», souligne Mme Baptiste.

La guerre -qui depuis le milieu du XXe siècle a impliqué guérillas d’extrême-gauche, paramilitaires d’extrême-droite et forces armées, sur fond d’intense trafic de drogues- a aussi affecté la recherche, en particulier l’étude de la flore et de la faune, dans le troisième pays le plus bio-diversifié de la planète.

«La carte de la biodiversité de la Colombie montre d’incroyables vides (…) ce qui est clairement l’expression des limitations de mobilité des chercheurs», ajoute la directrice de l’Institut Humboldt.

Maria Angela Echeverry, qui dirige le master de Conservation et usage de la biodiversité de l’Université Javeriana, cite en exemple une méconnaissance des mouvements de la faune entre l’Amérique centrale et le Cône Sud du continent, du fait que la jungle du Darien, à la frontière entre le Panama et la Colombie, est une «zone rouge» du conflit. «En tant qu’université, nous ne pouvons emmener des étudiants, ni des scientifiques dans ces zones par manque de sécurité», déplore-t-elle.

De vastes territoires, comme les Sierra du Perija ou Nevada, ainsi que la région entre les Llanos et l’Amazonie, sont vierges pour la science. «Ce sont des zones très vulnérables, trop méconnues», ajoute Mme Echeverry.

La perspective d’un accord de paix entre la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes) et le gouvernement laisse entrevoir «de nombreuses opportunités pour la science», renchérit Alejandro Olaya, vice-président de l’institution publique Colciencias.

Mais elle soulève aussi des questions, souligne Mme Echeverry: «Quelle sera la protection de ces territoires?» ou «Quels autres acteurs vont y surgir, comme les mines clandestines?» qui causent déjà de graves dégâts ailleurs.

Le gouvernement a préparé 22 expéditions scientifiques dans des zones peu explorées. Elles débuteront en juin dans le Putumayo et le Choco. Sous le label «Colombia Bio», il s’agit d’établir un inventaire des écosystèmes, ainsi qu’un catalogue commercial d’une centaine de produits cosmétiques et pharmaceutiques. «Tout cela pour permettre à la Colombie de se positionner dans le secteur de la bio-économie», précise M. Olaya.

L’Institut Humboldt propose en outre que des guérilleros démobilisés, qui connaissent bien la jungle et les trois cordillères andines qui traversent le pays, collaborent avec des chercheurs.

Selon Mme Echeverry, «la plus grande surprise va être avec les plantes et les insectes. Nous sommes sûrs qu’il nous reste à découvrir 60% des espèces de la planète».

 

AFP

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