Deux jours après une vidéo montrant des conditions d’élevage indignes dans un établissement de l’Ain, les autorités ont ordonné un vide sanitaire, « décision exceptionnelle » qui devrait conduire à l’abattage des 300.000 volailles.
L’association militante L214 avait publié mercredi des images, tournées en avril, montrant des poules déplumées et entassées dans des cages à perte de vue; une prolifération de poux, d’asticots, des cadavres en état de décomposition avancée, des accumulations de fiente.
Les réactions s’étaient enchaînées: Matines, numéro un des oeufs en France et propriété du groupe Avril, avait décidé de ne plus s’approvisionner auprès de l’élevage défaillant, Intermarché renonçant de son côté à vendre sa production.
Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, avait assuré qu’il fermerait l’établissement si nécessaire, comme le réclamait L214. Sa collègue de l’Environnement, Ségolène Royal, avait exigé une inspection et une décision « dans la journée » au préfet de l’Ain.
C’est finalement deux jours plus tard que le préfet a ordonné de vider et nettoyer les bâtiments sous trois semaines.
« Cet élevage est en très grande difficulté économique, avec un nombre d’employés devenu insuffisant pour remplir correctement les taches quotidiennes d’un élevage. L’activité ne peut plus être assurée dans le respect des normes environnementales », justifie-t-il dans un communiqué qui ne laisse guère de doute sur le devenir des animaux.
« Les 300.000 poules présentes dans l’établissement (200.000 poules pondeuses et 100.000 poulettes) seront abattues ou vendues à des tiers » pour être transformées en farine pour l’alimentation animale, précise d’ailleurs le préfet Laurent Touvet à l’AFP.
Le Gaec du Perrat, situé à Chaleins, pourra ensuite « repartir sur des bases saines » ou procéder à une liquidation judiciaire, ce qui semble « vraisemblable » compte tenu de ses difficultés économiques, a-t-il ajouté. Le TGI de Bourg-en-Bresse avait nommé un administrateur en mars.
« Je vais abattre mes poules et mes poulettes car mes fournisseurs me lâchent, je n’ai plus de quoi nourrir mes bêtes. Je vais aussi devoir arrêter l’élevage porcin qui ne représente que 30% de mon chiffre d’affaires », a déclaré Dominic Raphoz, cogérant du Gaec auprès de l’AFP ajoutant que la piste de la liquidation n’était pas encore décidée.
Proche de Villefranche-sur-Saône, l’établissement fait de l’élevage industriel de porcs et de volailles et emploie une vingtaine de personnes.
« On est juste horrifié et on est en train d’organiser une chaîne de solidarité avec les autres associations pour récupérer ces animaux », a réagi de son côté Brigitte Gothière, cofondatrice de L214.
Et « par rapport aux salariés, que va-t-il se passer ? On avait reçu plusieurs témoignages de leur part: les lanceurs d’alerte seront-ils protégés ? », s’interroge-t-elle. Plus tôt dans la journée, la CGT s’était inquiétée des répercussions sociales de la vidéo, pointant l’irresponsabilité de l’association de s’en prendre à une filière qui connaît déjà des difficultés.
La préfecture promet elle d’être « vigilante à ce que les animaux continuent d’être entretenus dans des conditions compatibles avec leurs besoins physiologiques » jusqu’à leur évacuation. L’Etat assure aussi qu’il sera « vigilant aux possibilités de réembaucher localement les employés de l’exploitation ».
L’association L214, basée à Lyon et fondée par un couple « vegan » – qui ne mange ni viande, ni œufs, ni lait – a déjà obtenu la fermeture de deux abattoirs en France après avoir diffusé d’autres vidéos.
Elle attire ici une nouvelle fois l’attention sur les dérives de l’élevage industriel à l’heure où les exploitations ne cessent de grossir comme le symbolise la ferme dite des 1.000 vaches en Picardie.
AFP