La Cour de cassation a annulé mardi le non-lieu au bénéfice de Claude Chopin, ancien patron de l’usine d’amiante Amisol qui avait fermé en 1974, un nouveau revirement qui redonne espoir aux victimes, dans une des affaires emblématiques du scandale sanitaire.
« Nous espérons qu’après 20 ans d’instruction, les victimes pourront enfin entendre leur directeur rendre des comptes devant le tribunal correctionnel pour les faits d’homicides et blessures involontaires qui lui sont reprochés », ont déclaré les avocats de salariés, Me Sylvie Topaloff et Me Jean-Paul Teissonnière, dans un communiqué.
L’enquête avait démarré, en 1997 – année de l’interdiction de l’amiante – après une plainte de salariés de cette usine de Clermont-Ferrand qui ont développé des maladies liées à leur exposition à cette substance cancérogène.
Claude Chopin avait été mis en examen en 1999 en tant qu’ancien patron de ce que l’Andeva, l’association des victimes de l’amiante, a décrit comme une « usine cercueil » dont l’air était « saturé de fibres mortelles ».
Alors âgé de 26 ans, il en avait pris la tête pendant six mois en 1974 après la démission de son père, depuis décédé.
Par deux fois, la justice a accordé au directeur un non-lieu devant la cour d’appel, en 2013 puis en 2015, faute de charges. Saisie par les parties civiles d’un pourvoi, la Cour de cassation a cependant annulé mardi le dernier non-lieu comme elle l’avait fait en 2014.
Dans sa décision rendue mardi et consultée par l’AFP, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire a estimé que M. Chopin « avait le devoir, en sa qualité de chef d’établissement et employeur, même pour une période de temps limitée, de s’assurer personnellement du respect constant de la réglementation en matière d’hygiène et de sécurité des travailleurs ». Pour la Cour de cassation, le fait que son père ait été le gérant réel de la société durant cette courte période ne l’exonérait pas de sa responsabilité.
Joint par l’AFP, l’avocat de Claude Chopin, Me Vincent Courcelle-Labrousse, a dénoncé une « torture morale à l’égard » de son client, alors qu’à ses yeux « le dossier est resté encalminé pendant des années». « Il avait 26 ans à l’époque, c’est son père qui dirigeait l’entreprise. Toute sa vie, il s’est traîné ça, il ne pourrait pas bénéficier d’un procès équitable 42 ans après les faits », a-t-il regretté, en observant que de nombreux protagonistes de l’affaire avaient disparu.
« C’est le dossier de tous les records où inévitablement la justice française sera condamnée devant la Cour européenne des droits de l’homme » pour la violation du délai raisonnable de l’enquête, a-t-il estimé.
Le débat n’est pas terminé: la Cour de cassation a ordonné le renvoi du dossier devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles, une étape qui retarde un peu plus toute décision sur un nouveau non-lieu ou un éventuel renvoi en procès.
Selon les autorités sanitaires, l’amiante pourrait provoquer jusqu’à 100.000 décès d’ici à 2025. Selon l’Andeva, 3.000 personnes meurent chaque année et les autorités sanitaires imputent à l’amiante 10 à 20% des cancers du poumon.
AFP