Avec un retard de plus de deux ans et sous une pression croissante, Bruxelles doit enfin révéler mercredi sa définition des «perturbateurs endocriniens», indispensable pour encadrer ces substances nocives présentes dans de nombreux produits de la vie courante.
L’absence d’une définition claire, réclamée par les Etats membres, entrave la réglementation de ces substances susceptibles d’agir sur le système hormonal et d’être à l’origine de dysfonctionnements, de malformations congénitales ou de retards de développement.
Mercredi, le vice-président de la Commission, Jyrki Katainen et le commissaire européen à la Santé Vytenis Andriukaitis présenteront «les critères scientifiques pour identifier les perturbateurs endocriniens dans les zones pesticides et biocides», selon un porte-parole.
Ce sujet sensible s’est mué en feuilleton depuis que la direction de l’Environnement de la Commission s’est vue confier en 2010 la tâche de fournir ces critères scientifiques, afin que l’UE puisse appliquer correctement sa réglementation sur les pesticides et les biocides (désinfectants industriels, produits de protection du bois par exemple).
L’exécutif européen avait fini par promettre de publier des critères avant décembre 2013, mais il n’a cessé depuis de repousser l’échéance, se faisant périodiquement rappeler à l’ordre par les ONG de défense de l’environnement, le Parlement européen et les Etats membres.
En décembre 2015, deux ans après la date promise, c’est la justice européenne qui a fait sensiblement monter la pression: le tribunal de l’UE, saisi par la Suède, a condamné la Commission pour avoir «manqué à ses obligations». La plainte était soutenue par le Danemark, la Finlande, la France et les Pays-Bas.
Bruxelles a toujours justifié son retard par la nécessité de procéder à une analyse d’impact au préalable, un argument pourtant écarté par la Cour de justice européenne.
Début juin, devant ses collègues réunis à Strasbourg, l’eurodéputé socialiste français Gilles Pargneaux regrettait que la législation se soit «transformée en une évaluation de l’impact économique de l’interdiction des perturbateurs endocriniens sur les entreprises européennes».
«La Commission a donné l’impression qu’elle faisait passer les intérêts économiques de l’industrie chimique avant l’intérêt général des citoyens européens», avait-il alors déploré.
Cette critique a été largement relayée par l’ONG anti-lobby Corporate Europe Observatory et la journaliste indépendante Stéphane Horel, qui ont explicitement attribué ce retard à «une campagne massive du lobby de l’industrie» de la chimie, selon une note publiée au début du mois.
«Pour parvenir à leurs fins, les lobbies de l’industrie on trouvé des alliées dans différents Etats membres (le Royaume-Uni et l’Allemagne en particulier), au Parlement européen, et principalement au sein de la Commission européenne elle-même», avancent-elles.
En mars, M. Andriukaitis, le commissaire européen à la Santé, apportait enfin des précisions et assurait que les critères européens s’inspireraient des classifications de l’OMS (Organisation mondiale de la santé).
Ces dernières font globalement consensus au sein de la communauté scientifique. L’Efsa, l’Agence européenne de la sécurité alimentaire, a adopté dès mars 2013 la définition de l’OMS selon laquelle un perturbateur endocrinien est défini par trois critères: «la présence d’un effet nocif», «la présence d’une activité endocrinienne» et «un lien de causalité plausible entre les deux».
De leur côté, les industriels, réunis à Bruxelles au sein du Cefic (chimistes) et de l’ECPA (l’Association européenne de l’industrie des pesticides), défendent un «sens de la proportionnalité» dans la future réglementation sur les perturbateurs endocriniens.
«Les produits chimiques utilisés dans les pesticides et les biocides passent par un processus d’autorisation très strict. En l’absence d’une série de données complète et exhaustive, ces substances ne peuvent pas être utilisées. Ce régime fonctionne: environ 75% des produits ont été retirés de la vente ces 15 dernières années», se sont défendus les présidents du Cefic et de l’ECPA dans un communiqué commun.
AFP