Beaucoup de « Nemo » évoluant dans nos aquariums sont capturés au cyanure, pratique dévastatrice pour l’environnement, pointent des chercheurs qui s’alarment d’une hausse des ventes à la faveur de la sortie du nouveau film de Pixar « Le monde de Dory ».

Après le succès en 2003 du premier opus « Le monde de Nemo », un million de poissons clowns semblables à son héros avaient été arrachés à leurs récifs coralliens, souligne le biologiste américain Craig Downs dans un rapport publié jeudi passé, veille de sortie de Dory aux Etats-Unis (sortie française le 22 juin).

Or, une des pratiques de pêche les plus courantes, bien qu’illégale, pour les poissons d’aquarium d’eau de mer est la capture au cyanure, en particulier en Asie.

Cette substance facilite les opérations car elle étourdit les prises. Mais elle leur est souvent fatale par la suite. En outre, elle blanchit et affaiblit le corail, ajoutant aux effets du réchauffement climatique.

« Cette pêche peut avoir un effet sur la santé et les moyens de subsistance des pêcheurs », précise M. Downs, de l’Haereticus Environmental Laboratory, qui parle d’ « une arme de destruction massive ».

Selon une étude menée par cet institut avec l’ONG « For the Fishes », plus de 50% des poissons testés après achat auprès de distributeurs américains, présentaient des marques d’exposition au cyanure.

Les chercheurs ont analysé une centaine de spécimens. Chacun a été plongé dans de l’eau de mer, puis ses sécrétions analysées dans la foulée.

Plus de la moitié ont été contrôlés positifs. Le chirurgien bleu – l’espèce de Dory, le célèbre poisson amnésique qui figurait déjà dans « Nemo » – en contenait un taux particulièrement élevé.

Plus touchée encore, la demoiselle bleu-vert, au premier rang des espèces commercialisées dans le monde. Un poisson magnifique mais très dur à attraper.

Une étude doit être menée en Europe en 2017, dont « les conclusions seront sans doute similaires », estime M. Downs: « les poissons viennent des mêmes endroits. Les petits pêcheurs en Indonésie ou aux Philippines les apportent aux marchands, et puis il y a enchères par internet. C’est pareil que cela parte en Allemagne, en France ou aux Etats-Unis ».

UE, États-Unis, Chine et Japon sont les principaux consommateurs de poissons et coraux d’ornement dans le monde.

« La plupart des gens n’ont aucune idée des pratiques inhumaines et destructrices auxquelles sont exposés les poissons populaires des aquariums, tels que le chirurgien bleu », note Rene Umberger, de «For the Fishes ». « Nous leur demandons de ne pas acheter de poissons capturés à l’état sauvage. Dory doit rester en vie, dans son milieu naturel ».

L’acquéreur d’une Dory – vendue plusieurs dizaines d’euros pièce – risque aussi de voir son poisson mourir.

Quand les animaux sont pêchés par cette méthode, « ils meurent pratiquement tout le temps » les semaines suivantes, relève Pierre Gilles, expert à l’Institut océanographique de Monaco, institution qui a elle-même été confrontée à ce problème.

« La solution est d’exiger la qualité », dit-il. « Il faut poser des questions, demander des preuves au fournisseur ou acheter des produits nés en captivité. On élève de plus en plus de poissons marins, y compris ceux qu’on n’arrivait pas à reproduire il y a dix ans, comme le poisson ange ou le mérou de Grace Kelly ».

Le succès du poisson clown (« Nemo ») a ainsi favorisé l’essor des élevages. Ce qui n’est pas encore le cas pour les « Dory ».

« Ces animaux sont populaires, et avec ce film, les gens vont se poser la question d’en acheter. On a vu l’impact de Nemo ! », poursuit M. Gilles, qui met en garde contre « l’effet de mode ». « Le hobby de l’aquariophilie, c’est bien, mais cela suppose de se former: commencer petit, appartenir à un club, et ne pas hésiter à se renseigner auprès des aquariums publics comme le nôtre ».

 

AFP

 

Publisher: Lebanese Company for Information & Studies
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