La nuit, Nakhon travaille. La journée, il s’occupe de sa tante de 77 ans. Dans une Thaïlande vieillissante mais sans système de retraite, des milliers de travailleurs n’ont d’autre choix que de s’organiser pour prendre soin de leurs aînés.
Par chance, Nakhon et sa tante Boonrod habitent près de l’un des rares centres de soins de jour existant en Thaïlande.
Ce type de structure est encore exceptionnel dans un pays très conservateur, où les enfants se doivent de prendre en charge leurs parents vieillissants, sans pouvoir s’appuyer sur des maisons de retraite.
« C’est elle qui m’a élevé quand j’étais petit. Donc maintenant qu’elle est vieille, c’est à moi de prendre soin d’elle. C’est notre culture », raconte Nakhon Thianprasert, 35 ans.
Mais la charge à porter pour les travailleurs est de plus en plus considérable: en 2040, un quart de la population de Thaïlande aura plus de 65 ans, soit plus de 17 millions de personnes.
Même si ce pays d’Asie du Sud-Est est une destination de choix pour les retraités occidentaux, attirés par une abondance de maisons de retraite de luxe, le concept est localement encore tabou.
Les premiers centres de santé de jour sont les seules structures existant pour l’heure. Elles sont rares et toujours financées grâce aux dons privés.
Dans le quartier où vit Nakhon, dans la banlieue de Bangkok, le centre de jour a vu le jour en début d’année. Une petite structure où les plus jeunes peuvent laisser leurs aînés quelques heures – le temps d’aller travailler ou faire quelques courses.
Dans des salles aux couleurs vives, équipées de quelques chaises et lits, infirmières et bénévoles offrent des cours de couture, de peinture ou de chant.
« C’est mieux que de rester à la maison où je passe mon temps à regarder la télévision ou à ne rien faire. Et quand je viens ici, je peux discuter avec d’autres personnes », confie Boonrod Khamhomkul, qui souffre de diabète et ne peut plus marcher seule.
Larita Chobpradith, infirmière en chef du centre, fait régulièrement du porte-à-porte dans le quartier pour passer voir les habitants les plus âgés et aussi pour leur présenter le concept du centre de jour.
Grâce à cette structure, « les personnes âgées qui ont des soucis de santé ne sont pas obligées de rester alitées tout le temps. Et si elles viennent au centre, cela permet à leurs familles de faire autre chose et d’être moins sous pression », estime-t-elle.
En Asie, d’autres pays font face à une révolution démographique mais ce sont des pays très développés: le Japon, Singapour. La Thaïlande, pays intermédiaire, vieillit avant d’être riche.
Un développement économique rapide, couplé à une politique de contraception réussie dans les années 1970, a poussé en quelques années le pays sur la voie d’une transition démographique qui a pris près d’un siècle dans certains pays plus développés.
Dans le royaume, quelque 20 millions de Thaïlandais – un quart de la population – ne disposent pas de système de retraite ou d’épargne. Et ils ne reçoivent qu’une aide d’environ 20 euros par mois de l’Etat.
Alors que le pays a mis sur pied un système de santé universel, de nombreuses personnes âgées, en particulier dans les zones rurales, n’y ont pas accès, explique Sutayut Osornprasop, auteur d’un récent rapport sur le vieillissement en Thaïlande pour la Banque mondiale.
Selon lui, en soutenant les structures mises en place localement, l’Etat pourrait s’assurer qu’aucune personne âgée n’est livrée à elle-même.
Dans le même temps, le pays envisage de relever l’âge de la retraite – actuellement à 60 ans – et de mettre en place des incitations fiscales pour que les entreprises embauchent des travailleurs âgés.
Ce qui pourrait aider à faire face au manque de main-d’oeuvre.
« Dans une Thaïlande vieillissante, le secteur des services pourrait être un futur moteur de la croissance», estime Kirida Bhaopichitr, chercheuse pour un think tank thaïlandais.
Favoriser une telle politique d’embauche des seniors permettrait selon elle un sursaut du pays, alors que la Thaïlande est dans une mauvaise passe économique face à la concurrence de ses voisins birmans et vietnamiens, des nations jeunes qui apparaissent de plus en plus attrayantes pour les investisseurs étrangers.
AFP