Utiliser l’électricité que l’on produit soi-même avec des panneaux solaires: la pratique, baptisée autoconsommation, est encore marginale en France. Mais les choses pourraient changer, avec une série d’incitations lancées ces dernières semaines.
L’autoconsommation consiste pour un particulier ou une entreprise à couvrir une partie de sa consommation de courant par des panneaux solaires installés chez lui, voire des éoliennes, directement raccordés à ses équipements électriques.
Phénomène largement répandu chez plusieurs de nos voisins européens, cette pratique reste peu développée en France, où les particuliers vendent leur production à EDF et lui achètent leur consommation.
Manque de règles claires, absence de soutien réel, intérêt économique limité avec les prix bas de l’électricité et les tarifs attractifs de rachat par EDF du courant produit par les énergies renouvelables, les particuliers et les entreprises n’étaient pas vraiment incités à se lancer.
Malgré la baisse du coût des panneaux solaires, seuls quelques 15.000 foyers français pratiquent l’autoconsommation sans vendre d’électricité au réseau, selon l’association des industriels du secteur Enerplan.
Chez les professionnels, c’est encore moins. « Il y a seulement quelques dizaines de projets réalisés en France », explique André Joffre, président du pôle de compétitivité Derbi dédié au solaire.
Le distributeur Biocoop a, lui, franchi le pas en mettant en service fin 2015 des panneaux solaires sur son entrepôt frigorifique de Melesse (Ile-et-Vilaine).
D’une capacité de 300 kW, cette installation « a permis de produire 6% de l’électricité totale consommée par le site en décembre, et de monter jusqu’à 24% en mai », décrit André Riaux, directeur du site.
« Nous visons entre 15 et 17% de moyenne sur l’année, cela veut dire que pendant presque deux mois dans l’année nous sommes autosuffisants », se réjouit-il.
Les projets professionnels existants sont surtout le fruit d’une « conviction personnelle » des entreprises en faveur du solaire, expliquait le président d’Enerplan Daniel Bour lors du premier colloque national dédié à l’autoconsommation fin mai.
Mais la situation évolue. En quelques semaines, plusieurs voyants sont passés au vert avec la publication des textes réglementaires encadrant cette pratique et l’annonce d’un appel d’offres portant sur l’autoconsommation dans les bâtiments industriels et tertiaires.
Au total, plusieurs centaines d’installations seront ainsi subventionnées.
Les professionnels de l’énergie en sont convaincus: « Il peut y avoir un appétit chez les industriels électro-intensifs, mais aussi chez ceux qui ont une grande consommation d’électricité du fait du froid, comme la grande distribution, les entrepôts frigorifiques, qui peuvent à la fois combiner de la surface en toiture, de la consommation relativement importante et en journée au moment où le soleil est là », indique Damien Terouanne, directeur de la branche Entreprises et collectivités d’Engie (ex-GDF Suez).
Le groupe propose d’ailleurs désormais « de manière quasi systématique » la possibilité de basculer de la production vers l’autoconsommation du courant issu des panneaux solaires.
Pour les particuliers, le secteur devrait aussi profiter, selon M. Joffre, d' »une tendance pour le local, une recherche de l’autonomie », comme dans l’alimentaire.
Ce n’est pas un hasard si EDF, imitant des fournisseurs militants précurseurs comme Enercoop, a lancé début juin sa première offre commerciale d’installation de panneaux solaires pour l’autoconsommation auprès des particuliers.
Si Engie s’est surtout focalisé sur les clients professionnels, le groupe prépare aussi une offre pour les ménages.
Mais l’autoconsommation devrait y rester l’apanage de consommateurs militants car « l’intérêt économique est moindre », la revente de l’électricité à EDF rapportant beaucoup plus que l’économie réalisée en consommant son propre courant, et les pics de consommations sont plutôt le soir lorsque les panneaux solaires produisent moins, juge M. Joffre.
L’autoconsommation solaire est aussi intéressante lorsqu’elle peut se faire dans le logement collectif ou à l’échelle d’un quartier.
« Cela va représenter une grande partie » du développement du solaire, estime le président de Derbi, car la mutualisation de la production en fait un calcul rentable pour les bailleurs et les habitants.
Engie développe d’ailleurs une installation pour une future zone d’activité commerciale à Vienne (Isère), indique Damien Terouanne.
L’autoconsommation prendra également un nouvel élan avec le développement du stockage, qui permet de gagner encore quelques pourcentages d’électricité autoconsommée.
AFP- Par Marie HEUCLIN