Créée en 2014 à Lyon, Maat Pharma se développe à toute vitesse sur le créneau porteur du microbiote intestinal.
C’est un domaine dans lequel la France est à la pointe au niveau mondial, à l’image du Microbiome drug development summit Europe qui s’est tenu à Paris il y a une dizaine de jours. Depuis plusieurs années, les recherches sur le microbiote intestinal (ou flore intestinale), menées notamment par l’INRA, l’Institut national de la recherche agronomique, ont permis de voir éclore plusieurs projets et start-up prometteuses dans l’Hexagone. Parmi elles, Maat Pharma, pour Microbiota as a therapy. Fondée à Lyon en 2014 par des experts reconnus (Joël Doré, Pierre Bélichard et Mohamad Mohty), cette biotech s’est développée à toute vitesse en réussissant à mettre au point une procédure de transfert autologue de microbiote fécal sur des patients amenés à subir des chimiothérapies (cancers notamment). Avant que le malade ne commence son traitement, son microbiote intestinal est prélevé par les selles. Il est ensuite conservé puis réintégré par voie fécale lorsque les chimiothérapies sont terminées. Grâce à cette autogreffe du propre microbiote intestinal du patient, les risques d’infection post-traitement seraient limités. « On sait qu’environ 15% des patients vont avoir une complication infectieuse, notamment car leur microbiote intestinal a été en partie altéré à cause de la chimiothérapie et est donc plus fragile, avance Hervé Affagard, PDG de Maat Pharma. Nous leur proposons une solution non invasive, écologique, qui restaure la symbiose intestinale sans avoir recours à des antibiotiques ».
Nouveau tour de table envisagé
Moins de trois ans après son lancement, Maat Pharma a déjà entamé sa première phase de test sur l’homme cet été. Cinq patients atteints de leucémie myéloblastique ont déjà bénéficié du traitement mis au point par Maat Pharma grâce à des partenariats avec sept hôpitaux partout en France (Saint-Antoine à Paris, CHU de Nantes, l’institut universitaire du cancer de Toulouse…). Si les résultats sur l’homme ne seront pas connus avant l’été, les essais sur les animaux avaient été concluants. « Quelques heures après le traitement, le microbiote est re-colonisé », constate Hervé Affagard. Une mise sur le marché est ainsi envisagée dès 2022. En prévision de l’industrialisation de son médicament, la start-up a inauguré en novembre à Gerland la première plateforme européenne de transfert de microbiote intestinal. Louis Schweitzer, commissaire général à l’investissement, l’a visité pas plus tard que la semaine dernière. Preuve de l’intérêt suscité par les découvertes de Maat Pharma.
Afin de financer son développement, Hervé Affagard, veut procéder dans les prochains mois à une nouvelle levée de fonds, après avoir réuni 10 millions d’euros en mars 2016, propulsant Maat Pharma parmi les plus grosses valorisations de biotechs en France. Ses actionnaires actuels devraient participer à ce 2ème tour de table (CM-CIC Innovation, Biocodex, Seventure Partners et l’INRA). Mais d’autres investisseurs au profil plus international devraient rejoindre l’aventure. “J’ai mandat pour trouver des investisseurs internationaux mais la next step c’est l’Europe”, explique Hervé Affagard, alors que certains lui prêtaient déjà l’ambition de s’implanter outre-Atlantique. Celui qui a reçu le prix de l’entrepreneur de l’année 2016 en santé décerné par FranceBiotech ambitionne de trouver entre 25 et 35 millions de dollars.
Un secteur en ébullition
Un montant élevé mais en phase avec les investissements actuels de la recherche sur le microbiote intestinal. « C’est une déferlante qui se profile », indiquait ainsi dans L’Express Isabelle de Crémoux, présidente du directoire du fonds Seventure Partners, actionnaire de Maat Pharma. Seventure Partners a ainsi lancé dès 2013 un fonds spécifique pour la recherche sur le microbiote, baptisé Health for Life Capital, doté de 160 millions d’euros. Des industriels Danone, Nestlé, des laboratoires comme Novartis, Jonhson & Jonhson mais aussi des start-up comme Enterome ou TargEDys, innovent tout azimuts pour percer les mystères de la flore intestinale, « peuplée de plus de 600 espèces de bactéries, soit dix fois plus que les cellules humaines et qui échange en permanence avec notre système immunitaire », rappelle Hervé Affagard. Un secteur qui semble avoir un avenir radieux.