Snap, propriétaire de la messagerie Snapchat, fait une entrée en Bourse en fanfare. L’entreprise ne dégage pourtant aucun bénéfice et son modèle économique ne fait pas l’unanimité. Le risque serait de finir comme Twitter dont l’action a monté en flèche avant de dégringoler.
Les entrées en Bourse sont comme les pluies. Certaines années, elles sont très abondantes. Mais ces derniers temps, elles étaient plutôt rares. Snap fait donc figure de rareté et bénéficie d’un contexte favorable avec des investisseurs à l’affût de bonnes opportunités. Propriétaire de la messagerie Snapchat, il fait une entrée triomphale avec un titre qui bondit de plus de 40% à l’ouverture. La veille, il avait levé 3,4 milliards de dollars (3,22 milliards d’euros) et fixé un cours d’introduction à 17 dollars ce qui valorisait l’entreprise à 24 milliards de dollars, plus du double de la capitalisation boursière de son concurrent Twitter. Snap devient ainsi l’entreprise du secteur des hautes technologies la mieux valorisée lors de son entrée en bourse aux Etats-Unis depuis Facebook en 2012. Autre particularité Snap n’a pas accordé de droits de vote aux investisseurs qui ont acheté ses actions.
Snapchat toujours pas rentable
Et pourtant, Snapchat n’est toujours pas rentable et sa rentabilité future est l’objet de débats. Malgré un chiffre d’affaires multiplié par près de 7, l’entreprise basée à Los Angeles a vu sa perte nette se creuser de 38% l’an dernier. Elle a récemment subi un ralentissement de la croissance de ses utilisateurs face à la concurrence de mastodontes comme Facebook. Mais la messagerie est déjà entrée dans la légende: elle est devenue en quelques années un phénomène de société avec ses messages qui disparaissent après avoir été lus. A l’origine, « Picaboo » est lancé en 2011, rapidement rebaptisé Snapchat et devient populaire d’abord dans les écoles. Très vite elle s’étend et dépasse son premier million d’utilisateurs quotidiens dès 2012.
Snap vaut-il vraiment 24 milliards?
Les partisans du « Oui » font valoir que le prix est en ligne avec les récentes acquisitions. Snapchat revendique 250 millions de visiteurs par mois dont la moitié interagit quotidiennement. Si chaque utilisateur est valorisé 100 $, cela valorise Snap à 25 milliards de dollars, ce qui est à peu près le montant payé par Microsoft pour le rachat de Linkedin en 2016, un peu plus cher que le prix par utilisateur de WhatsApp par Facebook en 2014. Mais les partisans du « non » ont également de sérieux arguments: il suffit d’une évaluation classique fondée sur le chiffre d’affaires et les bénéfices pour obtenir une valorisation nettement plus faible. De plus, la croissance de Snapchat, après des débuts vertigineux, est en train de ralentir et la compagnie reconnaît elle-même n’avoir aucune garantie de séduire des publics plus âgés.
Le même sort que Twitter?
Le cas de Twitter, rentré en Bourse en novembre 2013 à 26 dollars avant de grimper quelques mois plus tard à près de 70 dollars mais qui n’en vaut plus aujourd’hui que 16, constitue un fâcheux précédent. LinkedIn ou WhatsApp n’ont pas pu rester seuls. Ils ont été rachetés par plus gros qu’eux. Snapchat avait reçu une proposition de Facebook pour 3 milliards de dollars en 2013. Evan Spiegel et Bobby Murphy, les deux fondateurs, avait refusé. Le succès actuel de l’introduction en bourse leur donne raison. Mais le modèle économique n’est pas forcément tenable. Snapchat doit son succès à son caractère éphémère, les messages sont jetables. On envoie et ça disparaît.
« Aucun doute, estime Michael Wade, professeur d’innovation et stratégie à l’IMD business school de Lausanne, le service est amusant à utiliser mais c’est un désastre pour les annonceurs. On ne va pas sur Snapchat pour s’informer car on à déjà Google, pour trouver un travail il y a LinkedIn, pour avoir des relations sociales c’est Facebook ou pour acheter cela sera Amazon. C’est un media qui, un peu comme Twitter, est intrinsèquement mal adapté pour recevoir des publicités. Il n’a aucune source évidente de chiffre d’affaires ou de bénéfice. » Si pour l’instant le cours de Snap est en forte hausse (40% à l’ouverture), il n’est pas impossible que la flambée retombe d’ici quelques mois.
(Avec AFP)